Le 8 avril 2018
Dans la carrière inégale de Decoin, ce mélodrame soigné apparaît comme une bonne surprise, à la fois très écrite et touchante.
- Réalisateur : Henri Decoin
- Acteurs : Dany Robin, Louis Jouvet, Philippe Nicaud , Renée Devillers, Annette Poivre
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Francinex
- Editeur vidéo : Pathé Vidéo
- Durée : 1h45mn
- Box-office : 2.238.416 entrées France / 630.991 Paris Périphérie
- Date de sortie : 15 septembre 1948
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– Sortie combo DVD + Blu-ray : le 11 avril 2018
Résumé : Après dix-huit ans de mariage, Gérard Favier, un célèbre compositeur, est toujours aussi épris de Sylvia, son épouse. Après avoir fait la connaissance d’une jeune pianiste prometteuse, Monelle, le compositeur décide de la prendre sous son aile. Un jour, la presse à scandales prétend que le compositeur et sa protégée ont une liaison secrète. Monelle se prend à espérer gagner le cœur de Gérard. De son côté, Sylvia sombre dans le désespoir.
Notre avis : Le film commence comme une « comédie du remariage », deux époux rejouant leur début sur les lieux mêmes. Louis Jouvet et Renée Devillers incarnent avec l’élégance et la distinction qui conviennent ce couple acharné à retrouver le temps des débuts ; mais toute la finesse du scénario pointe des détails qui laissent supposer que le ver est dans le fruit : des presque rien, un faux nom écorché, du « vrai mousseux » à la noce, et le fait que Sylvia oublie son écharpe. L’insouciance est apparente, dans le ton enjoué et les plaisanteries, mais la scène se termine par le chant de Jouvet/Favier : « Il y a longtemps que je t’aime / Jamais je ne t’oublierai », bien triste et prémonitoire refrain.
La suite est certes plus inégale, mais outre les habituels bons mots de Jeanson, souvent délectables, le film retrouve sa verve et son intelligence avec la parution d’un journal qui invente une liaison entre Favier et sa pianiste, la jolie Monelle. Pure invention, de fait, mais qui bouleverse tout le monde, révélant le caché, transformant la réalité. De là des détails parsemés dans le métrage qui posent la question du vrai et du faux, comme le vrai/faux Corot. C’est que la rumeur, même non fondée, ne peut que faire des dégâts. S’installe alors la version sombre de l’intrigue qui contamine chaque échange, chaque situation jusqu’à l’étouffement. Les aérations, comme les divagations et les révoltes du frère de Monelle, interprété par le jeune Philippe Nicaud, tranchent et amollissent quelque peu l’ensemble.
D’ailleurs, les trouvailles de Decoin sont réservées aux lignes fortes de l’histoire ; ainsi de ce programme plié qui fait coïncider Favier et Monelle, ou de la profondeur de champ qui montre la douleur de Sylvia quand le compositeur interprète sa valse. Son solide métier lui permet d’assumer les failles d’un scénario pourtant fortement charpenté et d’en magnifier les évidentes beautés. Car, au bout du compte, le charme de ce film tient autant à ses acteurs qu’à l’engrenage tragique, et qui culmine dans les magnifiques dernières séquences. L’ambiguïté du coup de téléphone que Favier adresse à son ami, et non à Monelle comme on le croit un temps, en parallèle avec le suicide de Sylvia, atteint des sommets de simplicité et d’émotion.
A l’instar de beaucoup de films anciens, Les amoureux sont seuls au monde est aussi un documentaire précis sur son temps : du Paris d’après-guerre , des multiples habitudes de la vie quotidienne, on fait son miel avec une sourde mélancolie. Mais le métrage ne saurait s’y résumer, et sa puissance mélodramatique est intacte : on défie quiconque de ne pas écraser une larme dans une fin (le retour dans l’auberge du début) déchirante.
Le Blu-ray
Les suppléments :
Deux bonus seulement, mais précieux : d’abord la fin alternative, non restaurée, celle voulue par les producteurs et donc heureuse (et assez faible...) ; elle faisait suite à la première, pour donner le choix au spectateur ; ensuite une longue série d’entretiens avec des spécialistes et le fils du cinéaste. Leurs apports sont particulièrement féconds, que ce soit sur Jeanson, la carrière de Decoin, ou des analyses sur le film (la qualité du prologue, son originalité, la mise en abyme, les dialogues, Jouvet, etc.). Certes, tout cela reste très classique, mais très enrichissant ((La belle partition, autour du film, 52mn).
L’image :
Miracle de la restauration : voici une copie immaculée, stable, à la définition sans tâche. Si le grain cinéma est un peu épais, les contrastes et le noir et blanc sont de toute beauté.
Le son :
Quelques chuintements, mais la bande-son (mono DTS-HD master audio) a beaucoup de présence et les dialogues sont impeccablement restitués, la diction des acteurs constituant l’une des forces du film.
Galerie Photos
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