Le 29 décembre 2017
- Voir le dossier : Bilan 2017
Beaucoup de séries, beaucoup de nouveautés, dans un médium largement dominé en quantité par le géant américain Netflix, producteur de séries à la chaîne. Mais qu’en est-il de la qualité ? Faisons le tri avec ce top 10.
1. The Handmaid’s Tale
Même si cette année 2017 nous aura donnés de grandes propositions formelles, avec Legion, Mr. Robot ou encore Mindhunter, c’est bien The Handmaid’s Tale que l’on retient pour la manière dont l’esthétique aura su transcender son sujet pour lui offrir une puissance évocatrice assez terrifiante. En réunissant dans un même univers autant d’éléments archaïques que modernes, cette adaptation du roman de Margaret Atwood effraie et happe. On reconnaît dans cette œuvre dystopique des traits de notre société et de notre humanité enclins à un tel cheminement de pensée régissant l’Amérique totalitaire de la série, justifié par une interprétation fallacieuse et hypocrite de la religion. En nous relatant le quotidien de ces Servantes, The Handmaid’s Tale annonce le début d’une révolte, guidée par la solidarité et la force de ces femmes violées et réduites au silence. Un véritable coup de poing.
2. Mindhunter
Maniaque, millimétrée, fascinante, Mindhunter a tout d’une œuvre de David Fincher post-Panic Room. Plus proche de l’exigence d’un Zodiac que de la folie chaotique de Fight Club, la série Netflix retrace avec une précision chirurgicale rare les balbutiements du profiling au FBI dans les années 70. Reprenant les codes du buddy movie pour une nouvelle fois les transcender (après Seven), David Fincher et Joe Penhall saisissent par des dialogues remarquablement écrits tous les enjeux de cette science à en devenir, dans une société américaine violente traumatisée par le Vietnam, Charles Manson ou encore la répression du mouvement hippie.
3. Kingdom
Impensable pour nous de ne pas évoquer Kingdom, qui s’est clôturée au terme d’une saison 3 partiellement écrite comme la conclusion de ce drame familial. L’annulation inattendue de la série a sûrement obligé Byron Balasco à revoir dans l’empressement l’écriture de ses derniers épisodes, créant ainsi un déséquilibre et une accélération des événements surprenante. Parfois fragilisée par des intrigues superficielles (celle entourant Dom, personnage insupportable), la série aura malgré tout réussi à se conclure avec une force inouïe, balayant l’inintéressant pour centraliser son final autour d’un seul et même événement. Kingdom, derrière son univers et ses personnages burnés, s’est toujours évertuée à développer la psychologie fragile et dépressive de chacun, notamment à travers leur besoin de se battre dans une cage ou leur dépendance à plusieurs vices. Ce final souligne les difficultés de communication entre une même famille élevée à la dure, jusqu’à ce qu’elle en paie le prix cher. Difficile d’en ressortir indemne.
4. Last Chance U
Face au grand succès de la saison 1 (aux Etats-Unis tout du moins), Last Chance U s’est payée le luxe d’une saison 2, mais surtout d’une saison 2 meilleure que la première. En reprenant le même concept, la série documentaire de Netflix développe une remise en question vis-à-vis des personnes / personnages et une vision plus globale du football universitaire qui vient ainsi apporter un regard critique sur ce que l’on peut voir. Encore une fois Last Chance U passionne par sa galerie d’hommes et de femmes bien différents les uns des autres, plus ou moins attachants mais jamais traités avec manichéisme et négativité envers leur comportement (lorsqu’il s’agit des joueurs en tout cas). A travers cette université paumée, la série dresse le portrait d’une Amérique défaillante, notamment dans son système éducatif. Une grande série documentaire.
5. Rick et Morty
Cette année encore Rick et Morty aura su offrir à ses spectateurs de sacrés moments instantanément cultes (PICKLE RIIIIICK !). Plus inégale que la géniale saison 2, la troisième saison de Dan Harmon et Justin Roiland restera dans les mémoires tout particulièrement pour sa seconde moitié et son épisode 7 inattendu et d’une dimension tragique mémorable. Dans ce tel contexte, on aimerait voir Rick et Morty évoluer vers un format moins unitaire afin de créer un récit dans la continuité, ce qui occasionnerait moins de frustration à voir le show passer du coq à l’âne d’un épisode à un autre. Mais paradoxalement c’est aussi pour ça qu’on l’aime, car cette liberté d’action engendre de véritables coups de génie tragi-comiques et de concepts visibles nul part ailleurs, aussi décalés qu’ils peuvent être vecteur de réflexions sur notre société.
6. American Vandal
Ce qui s’annonçait comme un documenteur à l’humour balourd et beauf s’est en fait révélé être une parodie maligne des codes du documentaire d’investigation. D’une lucidité surprenante sur le système éducatif américain dans les petites banlieues, American Vandal aura surpris son monde par sa finesse d’écriture cachée derrière le voile (tout aussi intelligent) du jeu de détournement d’un genre (surtout) télévisuel. Au final, cette série Netflix ne nous aura fait que trop peu rire, mais pour en revanche amener une réflexion intéressante sur la présomption d’innocence, la réputation au lycée et l’importance du paraître. Si on nous avait dit qu’une enquête parodique sur des tags de pénis proposerait ce genre de propos, on se serait plus marré que pendant le monologue final de Wonder Woman.
7. Godless
Parmi le vaste catalogue de Netflix, difficile aura été pour Godless de tirer son épingle du jeu alors que le géant américain produit à la pelle films et séries à la qualité très variable. Pourtant, cette mini-série de 7 heures environ est probablement ce que l’on a vu de plus généreux cette année en terme de contenu (en restant dans la série télé). Plein d’amour vis-à-vis du western classique, Scott Frank en reprend tous les grands codes pour un contenu qui ne surprend pas, mais qui conquit le spectateur par sa richesse. Imparfait dans l’écriture, notamment parce qu’elle est trop dialoguée, Godless propose une galerie de personnages charismatiques et couillus, nuancés par un paquet de flashbacks désirant absolument expliquer la personnalité de chacun et les relations qu’ils entretiennent entre eux. Puis le final, de 1h20, comble absolument toutes nos attentes avec cet affrontement inévitable et mis en scène avec brio.
8. Silicon Valley
Après 3 saisons à la qualité croissante, Silicon Valley a un peu plus enfoncé le clou au cours de cette quatrième, aussi généreuse et intelligente dans son humour. On regrettera que les personnages n’évoluent jamais vraiment (exception de Richard peut-être), que seul leur parcours change, mais malgré cette recette limitée la comédie de HBO continue de multiplier les situations drolatiques avec ce même ton cinglant et irrévérencieux. Entre les personnages crétins, les cyniques, les enfoirés et bien sûr les blindés de tics, Silicon Valley n’a pas fini de puiser dans cette source intarissable qu’est cet univers impitoyable pour établir un panorama réaliste de cette industrie dans le fond bien détestable. On se marre beaucoup, mais parfois d’un rire jaune.
9. The Sinner
Mini-série de 8 épisodes emmenée par Jessica Biel, The Sinner joue clairement la carte du mystère pour attirer le spectateur dans cette enquête aux aboutissants bien gardés. Pourtant, comme souvent malheureusement, la résolution de celle-ci ne se montre pas forcément à la hauteur de tout ce teasing, mais révèle en revanche la beauté de la relation simple mais profonde entre l’accusée et le policier. The Sinner est une série faite de non-dits et de secrets gravitant autour de personnages destructeurs, où les révélations éclaircissent autant le récit que la psychologie des personnages, et c’est bien là le plus intéressant.
10. The OA
Alors, oui, cette pépite Netflix n’est pas sortie en 2017, mais au cours du mois de décembre 2016, néanmoins il était impossible de faire l’impasse sur cette bizarrerie que l’on a personnellement découvert en début d’année. Véritable expérience insondable, ce délire perché continue encore de nous laisser sur le cul tant il aura réussi à nous immerger dans cette histoire invraisemblable tenant malgré debout par on ne sait quel miracle. Très proche de Shyamalan (le bon Shyamalan), The OA part absolument dans tous les sens tout en restant sur une ligne directrice concrète, celle du récit de Prairie, au point de former un ensemble cohérent étonnant et très solide. Ce n’était pas du tout gagné d’avance, surtout avec une hippie / gourou sous prozac comme personnage principal (mais on l’aime beaucoup malgré tout la Prairie).
Mentions spéciales :
Twin Peaks :
Il a constitué l’un des événements télévisés de l’année 2017, le retour de Twin Peaks a su mettre tout le monde d’accord en repoussant le bizarre et l’abscons chers au réalisateur David Lynch à un tout autre niveau en comparaison de ses deux premières saisons. A l’occasion de sa présentation à Cannes (qui en dit long sur son caractère cinématographique), Alexandre Jourdain était revenu sur cette très grande série culte. A lire, et bien sûr à voir.
Manhunt : Unabomber
Bien moins exigeante et rigoureuse que Mindhunter, Manhunt : Unabomber, sur un sujet fortement similaire à la série de David Fincher et Joe Penhall, n’aura pas vraiment réussi à se démarquer cette année, malgré de bonnes audiences. Plus facile dans l’écriture et plus accessible, le show de Discovery (encore timide dans le domaine de la série télévisée) propose néanmoins un récit passionnant qui aurait mérité un format épisodique plus long afin de développer ses personnages au potentiel énorme. Lorsque l’on voit l’épisode 6, on se dit que la série maîtrise absolument la psychologie de son terroriste, personnage fascinant, humanisé avec brio par le scénario et la mise en scène pesante de Greg Yaitanes. Une belle surprise.
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