Le 12 septembre 2018
Cet attachant portrait de relation père/fille dans un cadre original de « survival documentaire » confirme le talent d’une réalisatrice indépendante inspirée.
- Réalisateur : Debra Granik
- Acteurs : Ben Foster, Dale Dickey, Thomasin McKenzie , Jeff Kober, Isaiah Stone
- Genre : Survival, Drame social
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h48mn
- Date télé : 7 février 2024 22:35
- Chaîne : OCS Pulp
- Date de sortie : 19 septembre 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018, Quinzaine des Réalisateurs 2018
Résumé : Tom a quinze ans. Elle habite clandestinement avec Will, son père, dans la forêt qui borde Portland, Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle. Expulsés soudainement de leur refuge, les deux solitaires se voient offrir un toit, une scolarité et un travail. Alors que son père éprouve des difficultés à s’adapter, Tom découvre avec curiosité cette nouvelle vie. Le temps est-il venu pour elle de choisir entre l’amour filial et ce monde qui l’appelle ?
Critique : Ce film attachant est adapté de L’Abandon, roman de Peter Rock (éditions Points, 2012), lui-même tiré d’un fait divers. Une fille et son père avaient été découverts par les autorités alors qu’ils se cachaient depuis quatre ans dans un parc naturel qui bordait une banlieue. Le projet cinématographique a été proposé à Debra Granik et sa coscénariste Anne Rosellini. Il n’est pas surprenant que la cinéaste ait accepté l’aventure, tant on retrouve l’univers de Winter’s Bone, son film le plus célèbre, qui relatait la lente et intrigante quête initiatique d’une jeune fille au cœur d’une forêt isolée. Si la lecture du synopsis évoque le surprenant Captain Fantastic de Matt Ross, le ton adopté par Granik est moins décalé, la cinéaste refusant tout ornement fantaisiste et jouant la carte de la noirceur, sans toutefois s’enfoncer dans un naturalisme glauque. Et plus qu’une réflexion sur la cellule familiale et les contrastes entre des modes de socialisation en conflit, le récit se concentre sur un rapport père/fille, fusionnel et extrême, jusqu’au contact avec la société qui distillera le doute chez une jeune fille en phase de construction.
- Copyright Condor Distribution
La réalisatrice se garde bien de tout manichéisme, évitant d’opposer « nature » et « civilisation », tradition et modernité. Si l’intrusion des policiers et le paternalisme d’une assistante sociale souhaitant « prendre en charge » Tom et son père révèlent les excès d’une société normative refusant toute atteinte au conformisme, le regard porté sur leurs pairs est bien plus nuancé : le jeune ado éleveur de lapins avec lequel Tom ébauche une amitié, ou la propriétaire de mobile homes (l’excellente Dale Dickey) qui héberge un temps Will et sa fille témoignent d’une bienveillance et semblent emblématiques d’une ligne médiane entre la misanthropie du père et la rigidité de tout un pan de la société américaine. « Il y a toujours eu, et il y aura toujours des conteurs d’histoire qui se demandent ce qu’il se passe à la marge […] C’est parfois vu comme non conventionnel, de ne pas avoir de violence ou de sexe dans un film. Mais beaucoup de personnes à la marge vivent avec des questions plus fondamentales, où vivre par exemple », a déclaré Debra Granik.
- Copyright Condor Distribution
Adoptant une structure classique dans sa construction narrative et l’élaboration des enjeux psychologiques et sociétaux, elle ne glisse pas pour autant sur la pente académique d’un certain cinéma indépendant, et témoigne d’une réelle originalité et de sens plastique, notamment dans l’utilisation des paysages de l’Oregon : on retiendra surtout les scènes dans lesquelles Will apprend à sa fille les rudiments de l’existence dans une réserve, de la construction d’un feu à la cueillette de champignons, en passant par la course dans les bois sans « laisser de traces ». Bien épaulée par son chef opérateur Michael McDonough, la réalisatrice donne alors à son film une teinte de « survival documentaire » qui n’a rien à envier à Seul au monde de Robert Zemeckis ou Arctic de Joe Penna, et contribue à la réussite du métrage. Il n’est pas superflu d’ajouter que les deux interprètes irradient l’écran : Thomasin McKenzie est une révélation, et Ben Foster prouve après Comancheria qu’il a l’étoffe des plus grands.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
ceciloule 25 septembre 2018
Leave No Trace - Debra Granik - critique
Pour une fois, je suis entièrement d’accord avec cet avis. Un magnifique film, tout en simplicité et en finesse, pour évoquer la différence voulue - et involontaire, la société et ses problèmes, la nature et sa beauté. La relation père-fille porte le film, les dilemmes se posant à Tom (suivre son père ou rentrer dans la norme) soulèvent un tas de questions.
Les paysages sont superbes et on sent l’amour que Debra Granik porte à la forêt tant les plans larges lui rendent honneur, tout comme l’histoire qui, au fond en fait presque son personnage principal. Les deux acteurs brillent et donnent un caractère incroyable au film, militant mais juste ce qu’il faut, noir mais sans trop l’être. Juste, en fait (pour en savoir plus : https://pamolico.wordpress.com/2018/09/25/ceux-qui-errent-ne-sont-pas-tous-perdus-leave-no-trace-debra-granik/)