Brillante cruauté
Le 10 octobre 2005
Lorsqu’un petit garçon inconscient de sa différence est confronté à la bêtise et à l’agressivité, le drame est proche, et l’horreur à portée de main.


- Auteur : Denis Lachaud
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française

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Années 70. Tom est un petit garçon de la classe moyenne. L’année de ses cinq ans, ses parents déménagent dans une banlieue moderne. Son père, employé des chemins de fer, travaille beaucoup. Ses deux parents lui témoignent tout leur amour. Mais Tom est un peu solitaire. Heureusement, il fait la connaissance de Véronique, une petite fille de son âge dont il partage les jeux. Leur amour des poupées fait bientôt d’eux les parents de plusieurs "filles", qu’ils entourent d’amour et de bonne éducation. Tom vit heureux. Qu’importent les réflexions de ses camarades d’école. Qu’est-ce que cela signifie, "pédale" ? Une insulte sans doute, vu le mépris qu’ils mettent dans leur intonation. Tom n’a pas besoin de leur amitié. Mais, d’abord un peu effrayé, il évite scrupuleusement ces fréquentations... Jusqu’à ce qu’une classe de neige l’oblige affronter leur haine, et que le quotidien enfantin sombre dans le drame.
"Hallucinant" est un mot de nos jours fort employé dans le langage courant, tant et si bien qu’il a fini par en perdre son sens. Mais si l’on se réfère à la définition donnée par le dictionnaire, "qui frappe de saisissement, extraordinaire", force est de constater que nous sommes bien là en présence d’un ouvrage hallucinant. Le vrai est au coffre est au-delà d’une chronique urbaine, au-delà d’un récit sur la différence, au-delà d’un message de tolérance... Il n’approche d’ailleurs que de très loin ces catégories. A travers le regard tantôt naïf, tantôt illusionné d’un petit garçon, le lecteur assiste, médusé, à un récit qui fait basculer un banal quotidien en une descente aux enfers d’un réalisme effrayant. Impossible de pressentir ce que la haine et l’imbécillité d’autrui feront de cette innocence brisée. Ce court récit se déroule avec une fluidité exemplaire, dans une narration linéaire parsemée de petits éléments frisant la folie dont on se demande jusqu’au bout s’ils sont là pour nous faire tiquer. Les révélations finales, subtilement distillées jusqu’à la dernière page, laissent bouche bée. On referme cet ouvrage avec une solennité remplie de respect pour un auteur plein d’intelligence et de talent narratif. Brillant !
Denis Lachaud, Le vrai est au coffre, Actes Sud, 2005, 156 pages, 17,50 €