Le Truoc-nog retrace l’histoire de Goncourable, cet auteur raté qui s’est pris pour un écrivain digne de ce nom jusqu’à ce que le couperet tombe : il est nominé pour le prix Goncourt. Car ici, pas de pire infâmie que ce prix, qui sert de contre-modèle pour tout écrivain de vocation. Notre Goncourable traverse donc au cours de cette centaine de pages tout le panel des angoisses de qui a raté sa vie, attendant le verdict insoutenable. Comme une évidence, le prix s’accompagne d’une vie amoureuse falote, d’amitié mesquine et de tromperie d’éditeur.

Drôle d’hommage de Gran au prix centenaire. Il aurait pu, selon son style mordant, s’attaquer au passé hasardeux du Goncourt des débuts ou de la guerre, s’approprier le refus de Gracq, ou narrer le raté de Céline, mais l’auteur se contente d’écrire un pamphlet romancé bourré d’humour et de tournures parfaitement inconvenantes. Et le Truoc-nog explique à sa manière la si longue liste de tous ces auteurs primés demeurés à jamais inconnus pour la postérité littéraire. Exception faite d’un Malraux et d’un Proust...

Ce récit se teinte aussi sans doute d’une pointe d’auto-dérision pour l’auteur primé que fut lui-même Iegor Gran. Car l’année dernière, son virulent ONG avait remporté le Prix de l’humour noir et le prix RD/RG-Paris Première. Il aborde avec une emphase toute relative la mise en vote d’une œuvre littéraire, et la met en scène dans un cadre grotesque à souhait. Une épreuve, lorsqu’il s’agit d’un Truoc-nog...

Bien sûr, parfois la plaisanterie s’essouffle un peu, elle atteint ses limites, revenant sans cesse sur les mêmes points de brèche. Le procédé de l’hyperbole négative s’use à force de pratique. Et les attaques s’érodent par leur démesure. N’empêche. Les bons mots de Gran fonctionnent un moment, et pour ce moment là, le Truoc-nog de cette année vaut le coup d’être lu.