Selon Zoroastre
Le 3 mars 2020
Quand Viviane Hamy sort une nouvelle édition du Surmâle de Jarry, cela donne un beau texte dans un bel emballage.
- Auteur : Alfred Jarry
- Editeur : Viviane Hamy
- Genre : Roman
- Nationalité : France
- Date de sortie : 25 octobre 2006
- Plus d'informations : Le site officiel
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Résumé : Voici un texte qui rassemble beaucoup de matières : un kangourou boxeur, des balles dum-dum, un château électrique, le perpetual-motion-food, une locomotive effrénée, un médecin dubitatif, un dynamomètre plein de chiffres, un Indien, des masques noirs, une quintuplette à vélo, des roses, des femmes flagrantes et des perles de larmes…
Notre avis : Ainsi parlait Zarathoustra : "C’est de trois métamorphoses de l’esprit que je vous nomme : comment l’esprit devient chameau, et lion le chameau et, pour finir, enfant le lion." Et il aurait pu ajouter : "Ecoute ainsi la parole de l’enfant lion, qui du père Ubu et du Surmâle conte les affaires et qui le surhomme en surmâle parodie, car il sait que le corps créateur créa l’esprit comme une main de son vouloir." Et il aurait même pu être encore plus clair, en disant tout simplement que du surmâle au surhomme il n’y a qu’un pas que d’aucuns pourraient franchir, mais ce n’était pas trop son genre... Héros du Surmâle, roman d’Alfred Jarry paru en 1902 - réédité chez Viviane Hamy avec des illustrations de Tim - André Marcueil est en effet un adepte des mutations du corps. Qu’elles concernent la transformation d’un physique d’une banalité absolue en athlète bodybuildé, en passant par le déguisement ou le dopage, ces transformations s’accompagnent toutes d’un voyage à travers les avatars de l’esprit : la raison, la provocation, la folie, le rêve ou l’amour. Et c’est en cela que l’auteur rejoint le matérialisme de Nietzsche qui avait su anticiper les méandres dans lesquels se trouveraient plongé l’homme moderne, démiurge maladroit, tantôt sublime, tantôt dépassé par ses propres créations. Mercueil devient ainsi le témoin et l’acteur d’un monde en devenir, le nôtre : surmécanisé, surmédicalisé, surhumain. Et son esprit pousse la logique de ce monde jusqu’à l’absurde (course des dix mille milles entre un train et des cyclistes, combat donquichottesque entre Mercueil et une vespasienne ou record d’actes sexuels en vingt-quatre heures). Sous des faux airs de loufoquerie, Jarry place son roman sous le signe de l’anticipation.
Soit, André Marcueil n’est pas le chameau qui s’affaisse comme l’esprit sous le poids de la pensée. Ni le lion qui dit non quand il entend "je dois". Il est tout juste un fils de lion. Un enfant. Celui qui dit oui au jeu et à la création. Qui dit oui à sa propre affirmation même lorsqu’elle parait farfelue : "L’amour est un acte sans importance puisqu’on peut le faire indéfiniment." Un lionceau, en effet, qui ne croit pas en Dieu, le Dieu (mort ?) créé par les hommes - "c’est une affaire entendue" - mais qui croit à la rencontre de deux mondes, "l’Adam" et "l’Eve", le spermatozoïde et l’ovule. Deux dieux, deux points, bien plus petits que leur création. Alors, qu’on ne s’étonne pas si Le surmâle raconte les déboires d’un héros d’une banalité affligeante, qui va être l’auteur de transformations telles qu’elles vont le rendre bien plus grand que lui-même. Qu’on ne s’étonne pas non plus bêtement si ce roman, paru il y a plus d’un siècle, colle avec une telle acuité au monde d’aujourd’hui. Car c’est une affaire entendue, elle aussi, la création, la vraie, est bien plus grande que son créateur.
Le surmâle, Alfred Jarry, illustré par Tim, éd. Viviane Hamy, 2006, 212 pages, 20 €
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