Eric Rohmer - Chroniques de cinéma
Le 17 février 2020
Les textes critiques de Rohmer, période Cahiers du cinéma, sont une véritable mine d’or pour tous les amoureux du septième art.
- Auteur : Eric Rohmer
- Editeur : Capricci
- Genre : Cinéma
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 20 février 2020
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : On connaissait un Éric Rohmer théoricien, cherchant dans le cinéma une forme de sublime que les autres arts auraient désertée. Avec le présent recueil, qui reprend près de deux cents textes parus entre 1948 et 1959, c’est un Rohmer plus impur qui revient sur le devant de la scène. Impur, car il se mêle à ses choix des tropismes idéologiques, marqués par le contexte de la guerre froide et les exigences de la revue Arts, où il jouait au polémiste méchant. Impur, parce qu’à rebours du cinéma d’adaptation littéraire, il ose défendre les outsiders, les films de genre, les produits de consommation courante. Impur encore, parce qu’il ne cesse de faire des infidélités à son atlantisme affiché, et de découvrir, à travers Ingmar Bergman, Kenji Mizoguchi ou Satyajit Ray, de nouveaux territoires de cinéma. Constamment il bifurque, emprunte des chemins de traverse, redessine en le précisant son paysage cinéphile. Et invente, de modèles secrets en révérences en trompe-l’œil, son futur travail de cinéaste.
Notre avis : Il y a dix ans, le cinéma français était endeuillé par la disparition de l’un de ses plus grands représentants, Eric Rohmer, né Maurice Schérer. Si l’importance des films de Rohmer dans le septième art ne fait aucun doute, il ne faudrait pas oublier que le cinéaste était au départ critique de cinéma, comme la majorité des réalisateurs de La Nouvelle Vague. Ainsi, dès la création des Cahiers, le futur metteur en scène va rapidement se mettre à écrire pour la revue, avant d’en devenir le rédacteur en chef pendant six ans, et d’en être évincé par Jacques Rivette en 1967.
Dans cette anthologie, établie par Noël Herpe, est regroupée une partie des textes critiques d’Eric Rohmer, dont un segment qu’on ne retrouve d’ailleurs pas dans les anthologies établies par le cinéaste lui-même.
Ce qu’on note d’abord, dans ces morceaux choisis, c’est qu’ils mettent en parallèle des points de vue dithyrambiques du cinéaste, notamment ceux qui concernent Mizoguchi, découvert lors du Festival de Cannes, ou encore les textes relatifs à Kalatozov et à son sublime Quand passent les cigognes, Palme d’Or 1958.
Pourtant, si Rohmer aime écrire sur le cinéma japonais, russe ou encore américain, ses opinions, bien que circonscrites au septième art, n’en restent pas moins souvent critiques à l’encontre des différents modèles politiques des pays mentionnés. Ainsi, lorsqu’il évoque, par exemple, le célèbre film de Kalatozov, Rohmer n’hésite pas à blâmer de façon subtile le communisme et son impact dans le cinéma, regrettant que la production russe mette trop souvent en avant le destin d’une centaine d’hommes totalement indistincts, plutôt que de valoriser des destins individuels. C’est d’ailleurs ce qui le séduira dans le film de Kalatozov, qui propose une réelle fracture avec le cinéma soviétique de l’époque, car il évoque le trajet d’une héroïne.
Mais si Rohmer aime à critiquer le communisme, son appréhension de la culture japonaise n’est pas non plus dénuée d’un regard occidental. Ainsi, il écrira : "Il fut un temps - très bref- où un film japonais était d’abord japonais, c’est-à-dire une chose étrange, exotique, répugnant à nos critères" (début de sa chronique de L’Homme au pousse pousse, réalisé par Iroshi Inagaki). En employant ces termes, Eric Rohmer avoue, dans un premier temps, une impuissance à comprendre un cinéma dont on ne maîtrise pas les codes induits par une culture qui n’est pas la nôtre. Malgré tout, ses textes sur le cinéma japonais - notamment - demeurent pertinents, dans la mesure où ce qui importe le plus pour le critique est le langage cinématographique, langage universel qui transcende les frontières et les cultures.
Néanmoins, si la langue du cinéma se veut universelle, la dernière partie de l’anthologie tend à montrer que, pour certains réalisateurs, le pari n’est pas gagné et le futur metteur en scène ne mâche d’ailleurs pas ses mots pour le signifier. Ainsi, on peut rapidement voir, par exemple, que Rohmer déteste la majorité des adaptations de l’auteur russe Dostoïevski, comme en témoigne cette phrase tirée d’une critique de Crime et Châtiment, réalisé par Lampin : "Le génie bien entendu n’est pas ce qui étouffe le metteur en scène Georges Lampin".
Bref, ce livre est une réelle mine d’or dans laquelle les amoureux de Rohmer seront heureux de découvrir des analyses inédites, mais aussi et plus généralement pour les amoureux du septième art, qui pourront lire avec émotion des critiques de films ayant contribué à susciter leur cinéphilie. De ce point de vue, ce Sel du présent - chroniques de cinéma est un ouvrage émouvant, car il cristallise l’amour d’un passionné et semble presque une chronique artistique de la période 1948-1959. Enfin, soulignons que Noël Herpe a réalisé un vrai travail de composition, puisqu’il a fait le choix judicieux de découper l’ouvrage en différentes parties, plutôt que de proposer les critiques dans un ordre chronologique.
Eric Rohmer - Le sel du présent, chroniques de cinéma
512 pages - 22 €
Capricci
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