Le roman de ma femme - La critique

Pour son premier film tourné en France, Djamshed Usmonov s’aventure dans les terres d’Hitchcock et de Simenon. Le résultat séduit et convainc.

L’argument : Paul disparaît subitement, laissant derrière lui sa femme, Eve, et des dettes énormes. Alors que la police ouvre une enquête, Eve reçoit le soutien de Maître Chollet, un avocat ami de son mari, qui l’aide à remonter la pente et rachète ses dettes. Ils deviennent proches, trop proches même, au point d’attirer sur eux les soupçons de la police.

Notre avis : Djamshed Usmonov déclare avoir été longtemps séduit par le mystère froid et calculateur des héroïnes d’Hitchcock, celle de Vertigo par exemple. Léa Seydoux dans Le roman de ma femme leur ressemble. Le côté légèrement absent de son jeu, proche de celui des modèles bressoniens (autre référence déclarée) rend le personnage d’Eve insaisissable. Présente à l’écran presque en permanence, elle suscite chez le spectateur une empathie qui n’est cependant pas sans réserves, trop d’indices troublants venant sans cesse la remettre en question.

Car pour son premier film tourné en France, le cinéaste tadjik a choisi une intrigue à la Simenon et joue avec les règles du film policier. Il le fait avec une habileté indéniable bien qu’un brin scolaire. Mais ce soupçon d’application et le côté presque trop parfait de l’ensemble en renforcent paradoxalement le charme.
L’humour, présent dans L’Ange de l’épaule droite ou Pour aller au ciel, il faut mourir, pointe souvent le nez ici, par exemple lorsque l’héroïne se retrouve encerclée par des huissiers et qu’elle s’évanouit théâtralement, ou lorsque l’avocat, surpris en petite tenue par la femme de ménage, ne trouve rien de mieux à lui dire que : Bonjour Madame, comment allez vous ?
Certains éléments prennent même une allure délibérément parodique : péripéties rocambolesques comme la réapparition surprise de l’ex petit ami (Thibault Vinçon) ou vision de Lea Seydoux toute de noir vêtue au milieu des flocons de neige.
Si le rythme est délibérément lent, Usmonov sait installer une attente, une tension jamais oppressante mais qui inquiète délicieusement. Sa mise en scène, nullement indigne de ses modèles, séduit par une belle maîtrise artisanale comme dans cette longue prise montrant Eve au téléphone dans le salon où le trouble naît d’abord de la fixité du cadre puis de son imperceptible resserrement.

Le travail avec les acteurs est également remarquable, Léa Seydoux et Olivier Gourmet réussissant admirablement à trouver la note juste de leurs personnages si composés. Mais Gilles Cohen en policier envahissant n’est pas moins étonnant. Quant à Ksenia Rappoport et Maruf Pulodzoda, protagonistes d’une autre histoire, d’un autre film possible, ils émeuvent sans avoir besoin de forcer le trait par la simple vérité de leur présence.

La bande-annonce : ICI