Des moutons et des hommes
Le 23 août 2011
Sous le ciel kazakh, les réalités sont singulières mais les espoirs universels : au-delà du dépaysement géographique, une belle rêverie crayonnée avec sobriété et justesse.
- Réalisateur : Sergey Dvortsevoy
- Acteurs : Askhat Kuchinchirekov, Samal Yeslyamova, Ondasyn Besikbasov
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 4 mars 2009
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Cannes 2008
Sous le ciel kazakh, les réalités sont singulières mais les espoirs universels : au-delà du dépaysement géographique, une belle rêverie crayonnée avec sobriété et justesse.
L’argument : Après avoir fait son service dans la marine, Asa revient dans les steppes kazhakes vivre avec sa sœur et son beau-frère, un éleveur de moutons. Asa rêve de cette vie simple : une famille, une yourte, un élevage. D’abord, il faut qu’il se marie. Tulpan est la seule épouse possible, dans ce bout de désert. Hélas, Tulpan ne veut pas de lui : elle trouve ses oreilles trop décollées.
Notre avis : Il y a des films où la caméra, instrument technique du monde moderne par excellence, se détourne volontairement de ce dernier et, par une difficile entreprise d’ascèse, se concentre sur la place de l’homme presque nu dans son environnement naturel. Tulpan est de ceux-là : il nous met aux prises avec des matières élémentaires - le vent, le sable... - et se laisse dompter par elles, quitte à se plier à leur mouvement et leur rythme propres, lorsqu’elles envahissent tout l’écran ou produisent des phénomènes singuliers tels que par exemple une tornade. La ville est souvent évoquée, mais comme une réalité lointaine - au sens propre et figuré -, à laquelle les personnages demeurent étrangers. Asa, le protagoniste principal, est dans cette perspective presque un anti-héros : non seulement il va à contre-courant de la fascination pour la vie citadine et la modernité, mais même ses ambitions se règlent sur la mesure du cosmos et des coutumes : son rêve, c’est la steppe, posséder un troupeau et mener une existence de nomade, mais pour cela il faut être accepté par une femme, d’où la situation humoristique - Asa est rejeté par la seule fille de la région à cause de ses grandes oreilles - au point de départ du film. Avec audace, Sergey Dvortsevoy prend lui aussi le temps d’ajuster sa pellicule aux micro-mouvements de la vie des bergers, qu’il s’agisse de capturer une anomalie météorologique ou les pas égarés d’un animal. Pour autant, le film ne repose pas sur une note réellement contemplative : la nature appelle aussi à réagir, à s’impliquer, surtout lorsque l’on prétend l’adopter comme cadre de vie. C’est ainsi qu’une scène où une brebis met bas, tournée en plan rapproché, se révèle contenir une intensité rare et parfaitement restranscrite à l’écran.
Tulpan se veut de la sorte dépouillé sans être pauvre. La simplicité d’un chant kazakh, d’un repas pris dans la yourte ou d’un jeu d’enfant s’inscrivent en harmonie dans le paysage steppique. Le personnage de Tulpan, qui donne son titre au film, est lui-même presque une pure abstraction destinée à faire naître la rêverie. De ses personnages, on comprend que Sergey Dvortsevoy les aborde avec humanité et complicité, y compris dans leur caractère le plus naïf et touchant. Il traite de la famille, et pourtant réussit à ne pas sombrer dans le pathos ; il filme la réalité nomade, sans verser dans le documentaire ethnographique. On se surprend plus d’une fois à sourire en coin : peut-être le moyen de montrer qu’au-delà de la première impression de dépaysement, ce qui pointe dans les espoirs d’Asa n’est pas un rejet du monde extérieur pour se replier sur la tradition, mais un appel personnel que tous, nous pouvons ressentir et chercher à accomplir. L’une des images du film les plus belles symboliquement est sans doute le dessin qu’Asa arbore au dos de son col d’ancien marin, pour se recréer un petit coin de paradis imaginaire. Comme sur ce col, c’est sur la toile que travaille le cinéaste, avec la même justesse de trait, simple mais dotée d’une véritable puissance évocative.
- © ARP Sélection
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Norman06 29 avril 2009
Tulpan - la critique
Si Tulpan n’échappe pas au syndrome du film de festival, politiquement et filmiquement correct, il dépasse ce cadre consensuel par une réelle maîtrise des cadrages, un sens de la narration néoréaliste et une insertion pertinente dans le nouveau courant semi-documentaire. Beau décor naturel jamais utilisé des fins esthétisantes.