"Toute ma vie, j’ai attendu qu’il se passe quelque chose." Nous sommes en Angleterre à l’aube du XXe siècle, la belle Kitty Coleman suffoque dans la raideur corsetée des convenances victoriennes. Ce quelque chose auquel elle ne croyait plus croisera cependant son chemin douloureux, en l’espèce le combat de ces hystériques (du grec hustera, utérus), les suffragettes, que la société de l’époque réprima avec une violence inouïe.

Après le succès mondial de La jeune fille à la perle, Tracy Chevalier soulève avec talent et justesse le voile d’une société dominée par une pudibonderie démesurée et hypocrite, un monde où la vision d’une cheville féminine provoque à la fois scandale et fantasmes.

Pour nous raconter cette histoire de passion, de rébellion, de rejet de l’ordre établi, mais aussi de délation, de suffisance et de consentement au carcan de la sacro-sainte bienséance, l’auteur adopte un mode de récit original. A tour de rôle, chacun de ses personnages s’exprime à la première personne, sûr de son bon droit, sourd à la détresse des autres, enfermé dans son système personnel, largement dépourvu de lucidité.

Janvier 1901. La reine Victoria vient de mourir après un règne de presque soixante-quatre ans. Dans son Angleterre si bien compartimentée, deux familles aux tombeaux voisins font connaissance au cimetière où les morts "comme il faut", anglicans de familles respectables, ne se mêlent pas avec les catholiques et les suicidés, relégués dans le "carré des Dissidents", encore moins avec le bas peuple juste bon pour la fosse commune. Devant la scénographie imaginée par les deux couples pour leur dernière demeure - une urne d’un côté, un ange de l’autre -, deux fillettes se lient d’amitié.

Neuf ans plus tard, les cloches sonnent le glas pour Edouard VII et la comète de Halley brille dans le ciel nocturne de Londres. Les fillettes ont grandi, elles portent corset, la tragédie s’est nouée dans les deux familles. Le fardeau des convenances pèse toujours aussi lourd mais une étincelle d’espoir scintille faiblement. Maude, qui aime la morsure du feu sur son visage comme sa mère l’aimait, a décidé envers et contre tout de poursuivre ses études. Son père a plié. Femme d’hier mais femme d’aujourd’hui, Maude, réfléchie, déterminée, a pris son destin en main.