Le 5 octobre 2022
Le premier film de Francis Veber est sans doute son meilleur, malgré une dernière demi-heure plus laborieuse, qui verse dans le sentimentalisme.
- Réalisateur : Francis Veber
- Acteurs : Michel Bouquet, Gérard Jugnot, Daniel Ceccaldi, Pierre Richard, Charles Gérard, Jacques François, Fabrice Gréco
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution, Splendor Films
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
- Durée : 1h35mn
- Date télé : 29 juin 2020 13:55
- Chaîne : France 3
- Reprise: 19 octobre 2022
- Date de sortie : 8 décembre 1976
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Résumé : François Perrin, journaliste au chômage depuis 17 mois, trouve un poste dans un magazine parisien que dirige le redoutable milliardaire Pierre Rambal-Cochet, France-Hebdo. Lors d’un reportage dans un magasin de jouets appartenant au milliardaire, il tombe sur Éric, le fils de Pierre Rambal-Cochet, qui doit choisir un jouet. À la surprise générale, Éric prend François comme jouet.
Critique : La carrière de Francis Veber au cinéma a d’abord été celle d’un scénariste à succès, au début des années 70 : qu’on pense au Grand blond avec une chaussure noire (Yves Robert, 1972) et à sa suite Le retour du grand blond (1974), qu’on se rappelle L’emmerdeur (Edouard Molinaro, 1973) ou Le Magnifique (Philippe de Broca, 1973). En 1976, Veber tourne son premier long métrage avec l’aide du producteur et réalisateur Claude Berri, sur un synopsis vraiment intéressant, qui privilégie une situation a priori absurde : un homme est acheté comme un jouet par un gosse de riche.
- © Splendor Films
Cette trame nourrit une fable à caractère social, dont la lecture est polysémique : d’abord, on peut la recevoir comme un récit sur le pouvoir, ceux qui l’exercent et ceux qui y obéissent sans barguigner. A cette aune, les propos de Rambal-Cochet, patron de presse inflexible et glacial, à son rédacteur en chef, prêt à se déshabiller sur une simple injonction, font écho au Discours de la servitude volontaire de La Boétie : "Qui de nous deux est le monstre, Blenac ? Moi qui vous demande d’ôter votre pantalon ou vous qui acceptez de montrer votre derrière ?". La sujétion des êtres est impactée par la position sociale et économique des dominants qui engendre des humiliations absurdes : le pauvre Pignier est licencié parce qu’il a les mains moites, le subalterne François Perrin, journaliste consciencieux, est un jour prisé comme un jouet par le fils du patron, dans un monde où tout se vend, se négocie, s’achète. La marchandisation des êtres conduit à leur déshumanisation, nous dit le metteur en scène. Conclusion évidente, sans doute, mais il restait à l’incarner sous une forme exacerbée, à pousser l’idée jusqu’au bout.
- © Splendor Films
Dans cette perspective, nourrie par la configuration des lieux, des situations, une autre réception du film s’impose : puisque le séjour de Perrin dans l’immense propriété de son patron a tout du cauchemar éveillé, Le jouet peut se lire comme un film d’horreur déguisé en comédie : d’abord, la ressemblance du petit Eric avec Damien de La Malédiction s’avère frappante ; ensuite, la présence monolithique et menaçante du père ne jurerait pas dans un long métrage fantastique, de même que les apparitions quasi surnaturelles de la compagne du patron, jeune femme d’abord muette ; enfin, la configuration des lieux, avec ses couloirs innombrables, ses pièces à hauts plafonds, les ombres portées des héros de Marvel qui envahissent l’espace, constitue l’écrin privilégié d’une histoire angoissante. Cette hybridation est d’autant plus originale que pendant une heure le comportement d’Eric demeure un mystère : pourquoi cette attitude tyrannique, couvée par la bienveillance d’un père pourtant impitoyable ? L’erreur est de répondre à cette question, en jouant sur l’évidence : l’enfant a vécu la séparation douloureuse de ses parents, son père cherche à s’amender à n’importe quel prix, achetant littéralement l’affection de son fils. Dès lors, la fin du film abandonne la tonalité étrange, hybridée qui avait si bien convenu à la première heure, pour verser dans le péché mignon des comédies à la française : le sentimentalisme et la morale. Pour autant, ce divertissement conserve, plus de quarante ans après sa sortie, sa saveur particulière, à la jonction de l’humour absurde et du malaise réel. Pour une fois, Pierre Richard ne lâche pas la bride à sa fantaisie naturelle, même s’il offre à quelques scènes réussies l’élasticité d’une performance (dans la séquence de la garden-party, particulièrement). Face à lui, Fabrice Gréco qu’on n’a jamais revu au cinéma, interprète un jeune garçon à la fois inquiétant dans ses obsessions capricieuses et profondément conforme à l’image qu’on peut se faire d’un enfant, sans cesse dans le jeu. Quant à Michel Bouquet, il est, comme à son habitude, impérial dans le rôle du PDG marmoréen, mais tellement seul sur son trône.
S’il n’a pas été un triomphe commercial, Le Jouet a tout de même rassemblé 1 249 452 spectateurs et véritablement lancé la carrière de Francis Veber en tant que réalisateur.
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