Triple A
Le 18 janvier 2013
Brillant et cynique témoin de la dernière crise économique, Le grand retournement est un pied-de-nez à tous ceux qui sous estiment la portée du cinéma. Un bijou tout en finesse et en alexandrins.
- Réalisateur : Gérard Mordillat
- Acteurs : François Morel, Édouard Baer, Jacques Weber
- Genre : Comédie, Drame, Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Durée : 1h17mn
- Date de sortie : 23 janvier 2013
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Brillant et cynique témoin de la dernière crise économique, Le grand retournement est un pied-de-nez à tous ceux qui sous estiment la portée du cinéma. Un bijou tout en finesse et en alexandrins.
L’argument : C’est la crise, la bourse dégringole, les banques sont au bord de la faillite, le crédit est mort, l’économie se meurt… Pour sauver leurs mises les banquiers font appel à l’État. L’État haï est soudain le sauveur ! Les citoyens paieront pour que le système perdure, que les riches restent riches, les pauvres pauvres. Adapté de la pièce de Frédéric Lordon cette histoire d’aujourd’hui se raconte en alexandrins classiques. C’est tragique comme du Racine, comique comme du Molière…
Notre avis : Il était une fois, la crise économique. Fi des krachs boursiers, des explosions de bulles spéculatives, signes précurseurs du déclin du capitalisme....La loi du marché est toujours la meilleure. D’ailleurs, l’on n’écoute plus qu’elle. Craint et respecté, le système libéral règne en seul maître sur les âmes et consciences.
2008. La finance se meurt. Le monde s’affole. Economistes, banquiers, conseillers et autres pontes en la matière se lamentent à n’en plus pouvoir, se frappent le torse et crient leur désolation. Ô Maudits subprimes ! Odieux titres frelatés ! Quand tout à coup, la sainte solution apparaît dans son plus simple appareil. L’Etat. Cette sangsue, unique et abominable barrière contre le diktat du capitalisme sauvage, doit payer. Après tout, n’a-t-il pas justement acquis son titre “providence” ? Il en fût ainsi. Et l’Etat paya.
La crise financière qui ébranla le monde ces dernières années fut l’occasion pour de nombreux cinéastes de rendre compte de l’ampleur du phénomène, ainsi que ses implications sous-jacentes. Ainsi, JC. Chandor réalisa Margin Call, Oliver Stone Wall Street : l’argent ne dort jamais, et plus récemment Le Capital de Costa-Gavras parvint jusqu’à nos écrans.
De cette situation aberrante, Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS, collaborateur du Monde diplomatique et membre du collectif des « Economistes atterrés », tira la pièce « D’un retournement l’autre - Comédie sérieuse sur la crise financière ».
Adapté au cinéma par Gérard Mordillat, Le grand retournement est un exercice de style sans nul autre pareil. Porté par des dialogues d’une subtilité et d’une acuité rares, le long-métrage est une envolée ludique à l’usage des néophytes que nous sommes -presque tous-. Déclamées en alexandrins, les joutes verbales auxquelles se livrent les personnages du film sont les parfaits parangons des soubresauts d’un système à l’agonie.
Tournées dans une zone industrielle à l’abandon à Aubervilliers, les prises de vue s’inscrivent dans un curieux climat de fin du monde. C’est dans l’enceinte de ce lieu hors du temps, que Le grand retournement s’opère. Trahisons, mensonges, perfidies et médisances sont l’apanage des comédiens du théâtre des horreurs qui prend place sous nos yeux. Les personnages sont les supports des forces sociales actuelles qui s’expriment à travers eux. Les banquiers sont sans états d’âme, les traders esclaves de la bassesse de leurs désirs, les conseillers du pouvoir ne sont que bouffons du Roi, et son Altesse royale le Président un pantin narcissique à talonnettes et grosse montre. Les acteurs, pour certains habitués à se produire sur les planches, sont remarquables. François Morel est virtuose, Jacques Weber émérite, et Elie Triffault campe un président de la république des plus crédibles.
Fable pédagogique et pamphlet cynique, Le grand retournement est une merveille d’élégance et de légèreté. Malgré un sujet complexe et un traitement tout aussi abscons, le long-métrage s’en tire avec maestria.
L’histoire de l’humanité nous est contée ici dans sa triste réalité saumâtre. Les hommes font preuve de bassesse, convoitise, cupidité, bêtise. Rien n’arrête leurs pulsions les plus viles. Et si l’envie nous prend de les condamner avec autant de fermeté qu’il nous est possible, nous ne pouvons qu’honteusement baisser la tête. Le film se conclut par des images de révolte du peuple. Aujourd’hui, qu’en est il du Grand retournement ?
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