Le 5 août 2020
Ce téléfilm très scolaire et romancé sur une figure oubliée de la lutte ouvrière, Lucie Baud, éveille moins les consciences qu’il n’endort le spectateur. Dommage pour les intentions généreuses.
- Réalisateur : Gérard Mordillat
- Acteurs : François Cluzet , Philippe Torreton, Virginie Ledoyen
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Arte
- Durée : 1h30min
- Date télé : 5 août 2020 13:35
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 24 août 2018
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Résumé : Retour sur le parcours de Lucie Baud, première femme syndicaliste et porte-parole féministe du début du 20ème siècle. Elle vouera toute sa vie au combat contre "l’infinie servitude des femmes".
Critique : Le film s’ouvre symboliquement sur un cri, celui d’une femme qui accouche. C’est la mère de Lucie Baud, figure méconnue du syndicalisme ouvrier, grande oubliée de l’historiographie officielle, à qui Michelle Perrot consacra un livre sorti en 2012. Ce téléfilm de Gérard Mordillat, cinéaste et écrivain engagé, en est l’adaptation, une première fois diffusée sur Arte, en août 2018. De son éducation chez les religieuses, où la petite fille fait preuve d’un sens critique qui agace, au déclenchement des grèves à Vizille et à Voirin, c’est l’itinéraire d’une insoumise qui est ici retracé.
Mordillat fait le choix d’une biographie très sagement mise en scène, puisque les intentions sont avant tout didactiques : l’héroïne que joue Virginie Ledoyen s’exprime volontiers face caméra ou en voix off, pour livrer des informations importantes, notamment sur les cadences infernales auxquelles étaient soumises les ouvrières tisseuses de soie, ou pour narrer l’évolution du conflit social. Au-delà des spectateurs, on a l’impression que cette interlocution vise un public de scolaires. La chair des personnages disparaît derrière un message à porter, la théâtralité de certaines scènes atteste d’une volonté de faire réagir en édifiant, et lorsque Philippe Torreton, alias Charles Auda, murmure "Melancholia", on a l’impression de réviser le bac de français.
Les comédiens récitent globalement un texte dont l’essentiel pourrait illustrer les pages d’un vieux Lagarde et Michard, les violons s’éveillent aux moments les plus dramatiques ou les plus sentimentaux. Bref, on s’ennuie alors qu’on ne devrait pas. Surtout que dans le rôle-titre, Virginie Ledoyen s’avère complètement inexpressive ou décalée ("alors comme ça, je suis déléguée ?" se réjouit son personnage, en faisant un tour sur lui-même). Une vraie erreur de casting.
Quelques moments retiennent toutefois l’attention, qui documentent une double oppression, subie en tant que femme et ouvrière : on évoquera notamment une porte qui se referme sur un contremaître et une jeune ouvrière qui subit des viols, ou bien la réticence d’une prolétaire à faire grève, craignant le courroux de son père.
Aussi généreux dans ses objectifs que poussiéreux dans sa forme, Mélancolie ouvrière est comme ces musées de cire d’antan que commentaient des guides volontiers prolixes à un public captif. Mais il arrive aussi que les instructeurs se trompent : au congrès national de l’industrie textile à Reims, en 1904, Lucie Baud n’a jamais pris la parole devant ses camarades masculins, puisqu’on ne la lui a pas donnée.
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