L’enfant
Le 30 mars 2022
Pour son dernier long-métrage, après deux films en costumes, Pialat renouait avec ses premières "amours" : un cinéma intime, âpre, aux accents autobiographiques. Malgré quelques maladresses, un émouvant adieu.
- Réalisateur : Maurice Pialat
- Acteurs : Géraldine Pailhas, Gérard Depardieu, Fabienne Babe, Antoine Pialat, Dominique Rocheteau, Claude Davy, Elisabeth Depardieu
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : PolyGram Film Distribution
- Durée : 1h42mn
- Date télé : 30 mars 2022 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 25 octobre 1995
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Résumé : Gérard voit grandir Antoine, son petit garçon. Il a le sentiment de n’avoir jamais aimé autant et de n’avoir jamais été autant aimé.
Critique : Après la sortie de Van Gogh et son unique César pour Jacques Dutronc (sur 12 nominations !) en 1992, le "génie acariâtre" entre dans une période creuse de plusieurs années durant laquelle, selon ses propres dires, « il ne veut voir personne ». Son désir de cinéma n’en est pas mort pour autant : Pialat souhaite offrir un témoignage à son jeune fils, Antoine. Les obsessions, les formes, les thèmes privilégiés du cinéaste, charriés dans ses dernières œuvres de manière plus indirecte (Sous le soleil de Satan était l’adaptation d’un roman de Bernanos, Van Gogh un fragment de biographie du célèbre peintre), reviennent ainsi au premier plan, comme aux temps de Nous ne vieillirons pas ensemble ou A nos amours : Maurice Pialat s’attache exclusivement à une famille en crise et recentre son récit dans une époque contemporaine, donnant au Garçu des allures manifestes d’autoportrait. Une dimension d’autant plus évidente que le fils du réalisateur, Antoine Pialat, joue ici son propre rôle... ou presque. Pialat délègue l’interprétation des parents à Gérard Depardieu (dont le personnage porte le même prénom que l’acteur) et Géraldine Pailhas, tous les deux admirables de justesse et de naturel. Logiquement, tous les enjeux du film tournent autour du petit bout de chou, très alerte et clownesque du haut de ses quatre ans, qui évolue dans le cadre en toute liberté, comme s’il ne se savait pas filmé : une fois encore, le réalisateur excelle à capter une réalité du monde à peine diluée, retransmise par une caméra vive et aiguë, en éveil. Le sentiment de vérité qui en émane, ce penchant naturaliste sonnant toujours juste, en sont autant de signes immédiatement reconnaissables.
Le film est construit en une succession de tranches de vie (le couple se déchire à l’île Maurice, la mère se libère sur une piste de danse, le père récupère Antoine à la sortie de l’école pour une virée en moto), au fur et à mesure que se délite et se relance cette famille, ce couple, cette tentative de bonheur ensemble. Mais les coups de tête irrépressibles de Gérard, l’agonie de son père (le fameux "garçu" du titre), son manque de compréhension et de dialogue avec son fils Antoine, les amis qui s’en mêlent (dont le footballeur Dominique Rocheteau, surprenant, qui s’en tire très bien) : tout cela forment les obstacles à leur espoir, ces obstacles qui auront le dernier mot. Les blocs narratifs pleins et vibrants de vie s’enchaînent, parfois séparés par une ellipse de plusieurs semaines ou de plusieurs mois, délivrés abruptement et sans effet d’annonce ; comme pour transmettre cette détresse qui anime les personnages, ce sentiment que tout leur échappe et que la vie passe trop vite, sans eux. Pialat questionne et fouille sa propre vie, ses propres choix, à travers le reflet réfracté de Depardieu, l’ami de toujours, superbe ; l’insistance avec laquelle le cinéaste s’auto-analyse ou filme son enfant n’est pas loin de la complaisance (un reproche auquel Pialat a sans doute été habitué en trente ans de carrière), et Le garçu n’a pas la force de ses meilleurs films. Cependant, Maurice Pialat y fait preuve d’une douceur surprenante dans le traitement de son sujet : la dureté des affects est toujours là, mais elle n’a pas la violence qu’elle eût jadis dans Nous ne vieillirons pas ensemble. La présence du petit Antoine à l’écran n’y est sans doute pas étranger. Une déclaration d’amour et d’angoisse émouvante, qui marqua le dernier passage de Pialat derrière la caméra, comme un dernier témoignage de son passage sur Terre.
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