Noir c’est noir
Le 14 juillet 2014
Premier long métrage de Huston, ce coup d’essai est un coup de maître. Adaptation de Dashiell Hammett et modèle de film noir, il révéla le mythe Bogart.


- Réalisateur : John Huston
- Acteurs : Humphrey Bogart, Peter Lorre, Mary Astor, Walter Huston, Elisha Cook Jr., Barton MacLane, Ward Bond, Hank Mann, Sydney Greenstreet, Gladys George
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Noir et blanc, Film culte
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Editeur vidéo : Warner Bros Records
- Durée : 1h40mn
- VOD : Canal VOD, Orange, Filmo
- Date télé : 30 avril 2022 22:05
- Chaîne : OCS Géants
- Titre original : The Maltese Falcon
- Date de sortie : 31 juillet 1946

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– Année de production : 1941
Résumé : Sam Spade et Miles Archer sont deux privés. Au cours d’une enquête, Miles est assassiné. Sam soupçonne Brigid qui les avait dirigés sur l’enquête. Mais cette dernière, qui fascine Sam par sa beauté et son argent, lui demande de l’aider et il accepte.
Critique : Les années 40 furent l’âge d’or du film noir hollywoodien et Le faucon maltais contribua à valoriser le genre. La firme Warner avait pourtant pris un risque en confiant cette adaptation du roman de Dashiell Hammett à John Huston, dont c’était le premier film, et qui était jusqu’alors assistant réalisateur. George Raft, la vedette pressentie pour jouer le détective Sam Spade, refusa le rôle, estimant que cette initiative n’était pas à la hauteur de ses attentes. Du coup, les producteurs misèrent sur un brillant acteur de second plan qui n’était autre qu’Humphrey Bogart. Le scénario, fidèle au récit de Hammett, est découpé chapitre par chapitre et constitué d’une série de longs dialogues qui auraient pu d’ailleurs constituer la trame d’une représentation théâtrale. Les scènes mouvementées (meurtres, vols) sont souvent situées hors-champ ou racontées par les protagonistes. Les rares castagnes (Joel Cairo ou Wilmer Cook « bousculés » par Spade) sont toujours précédées et suivies de discussions intenses. Et les personnages évoluent essentiellement dans des intérieurs (bureau de Spade, appartement cossu de Kasper Gutman), leurs déplacements extérieurs n’étant que nocturnes, ce qui nous vaut une splendide photo noir et blanc d’Arthur Edeson. Ce cadre fixe l’ambiance particulière de ce Faucon maltais, d’une épure magistrale, et dont la complexité même de l’histoire suscite une fascination, à l’instar du Grand sommeil, que Bogart tournera sous la direction de Hawks quatre ans plus tard. Il y a dans Le faucon maltais ce mélange de classicisme et d’innovation, Huston renouvelant le film policier en lui insufflant un nouveau style, tout en apportant sa griffe personnelle
Tous les archétypes (qui deviendront plus tard des stéréotypes à l’écran) sont là : la femme fatale cachant ses sombres desseins sous des airs d’oie blanche (Mary Astor), des meurtres menant sur de fausses pistes, des rivalités de truands autour d’un butin (ici une fabuleuse statuette de bronze) d’une valeur inestimable. Huston les transcende par son ton amer et son ironie jusque dans les séquences dramatiques. On peut penser que Sam Spade, intègre mais individualiste, impulsif mais désabusé, est un peu le double du cinéaste qui tente de faire sa place à Hollywood, tout en ayant conscience d’être entouré d’un nombre non négligeable de requins. Il faut aussi souligner le magnétisme de la partition musicale d’Adolph Deutsch qui s’accorde à merveille à l’esthétique expressionniste du film. Le faucon maltais se distingue enfin par sa galerie légendaire de seconds rôles, de War Bond et Barton MacLane en policiers dépassés par les événements à Gladys George en veuve faussement éplorée. Mais c’est surtout un impressionnant trio de méchants qui crève l’écran : Sydney Greenstreet, caïd raffiné et obèse ; Peter Lorre, bandit dandy et précieux ; ainsi qu’Elisha Cook Jr., porte-flingue minable traité de « lope » par Spade. L’histoire du cinéma retient leur prestation au même titre que celle de « Bogie », dont le mythe se constitua après le triomphe du film. Le faucon maltais affronta un autre premier film aux Oscars, qui n’était pas moins que Citizen Kane. Les deux œuvres furent cependant battues par Qu’elle était verte ma vallée de John Ford.