Le 30 octobre 2023
Un grand film, linéaire et complexe, riche et puissant.
- Réalisateur : John Huston
- Acteurs : Orson Welles, Gregory Peck , Richard Basehart, Leo Genn, Harry Andrews, Bernard Miles, James Robertson Justice
- Genre : Aventures
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Les Artistes Associés
- Durée : 1h56mn
- Date télé : 30 octobre 2023 20:50
- Chaîne : Arte
- Box-office : 1 175 973 entrées France / 307 337 Paris Périphérie
- Date de sortie : 4 novembre 1956
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Résumé : Achab, capitaine d’un baleinier, n’a pas oublié sa première rencontre avec Moby Dick. Son corps en porte les traces, son esprit aussi d’ailleurs. Il n’a qu’une idée, retrouver la baleine blanche. Cet acharnement passionné va mettre en péril son équipage.
Critique : Grand adaptateur devant l’éternel, et parfois de livres d’une complexité rare (Au-dessous du volcan), amateur de littérature éclairée, Huston se devait de filmer Moby Dick, œuvre-monstre, œuvre-monde, le transformant à sa mesure, l’intégrant à sa thématique favorite (l’échec magnifique). Pour ce faire, il prend le parti de respecter l’hétérogénéité du modèle et multiplie les axes : documentaire, aventures, quête métaphysique, références bibliques. On pourrait dire naïvement qu’il a coché toutes les cases. Mais c’est au fond le résultat du travail de Ray Bradbury : le scénariste a su conserver les épisodes principaux du roman sans sacrifier les différentes interprétations possibles. Achab reste ambivalent, héros tragique et shakespearien, blasphémateur suicidaire, homme du défi obsessionnel ; la baleine reste un symbole fort, celui du Dieu destructeur de l’Ancien Testament ; et l’on retrouve Pip, Ismael, Starbuck, Queequeg, incarnés avec verve et précision.
Mais Huston ne s’est pas contenté de mettre en images un scénario complexe. Si sa mise en scène se fait épique dans les séquences d’orage ou de chasse, elle sait également capter les corps en sueur ou les visages de ces femmes et mères accompagnant les marins au moment du départ. Il est d’ailleurs curieux de constater le nombre important de gros plans (et même très gros, comme les yeux d’Achab dans un moment de grande tension) dans un film qui respire l’air marin. Dès le début, dans la taverne ou dans l’église, le cinéaste s’attarde sur des figurants, comme il le fera sur les membres de l’équipage. C’est que Moby Dick est aussi une aventure de l’âme humaine, une réflexion sur le sens de la vie à portée d’homme. Huston soigne aussi bien un travelling détaillant les plaques mortuaires que le sermon du père Mapple (Orson Welles, impressionnant) en chaire-navire, portant par l’image cette interrogation tragique. Bien sûr les séquences de chasse, et en particulier la dernière, sont traversées par un souffle digne des plus grands films d’aventures (et quoi qu’on en dise, les effets spéciaux sont loin d’être ridicules), mais c’est chaque cadre qu’il faudrait citer, tant Huston excelle à faire du bateau un réseau de lignes ou un théâtre d’affrontements. Son intelligence de la scénographie s’affirme régulièrement (le sermon est à lui seul un morceau de bravoure), et parfois, un sens plus ou moins adventice apparaît : ainsi de la rime entre les fidèles captivés par le prêtre et les marins par Achab ; de là à voir un parallèle entre deux envoûtements, même inversés …
On a souvent souligné pour le critiquer le jeu outré de Gregory Peck dans un rôle qui a priori ne pouvait pas lui convenir. Certes, il force un peu sur l’emphase, mais au fond il ne fait que se mettre en accord avec des dialogues ampoulés et métaphoriques, là encore très shakespeariens ; le voir enfoncer des harpons dans la baleine en hurlant des imprécations ne pouvait se concevoir dans une interprétation sobre. Il arrive d’ailleurs à éviter le ridicule, et fait d’Achab un personnage tout en puissance, impeccable dictateur au service d’un défi prométhéen.
On pourra toujours gloser sur tel ou tel manque par rapport au roman, mais Huston a réussi le pari fou de faire un film complexe qui ne saurait se résumer à quelques séquences même très maîtrisées. C’est l’ensemble, autant que chaque segment, qui hisse Moby Dick au rang de classique incontestable : le revoir, c’est en pénétrer les arcanes et s’apercevoir de son incroyable richesse.
- © 1956 Warner Bros. Tous droits réservés.
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