Les innocents aux mains sales
Le 18 juillet 2014
Marlon Brando, plus bestial que jamais, pervertit deux gamins dans un film particulièrement retors, qui s’attaque aux mœurs bourgeoises.
- Réalisateur : Michael Winner
- Acteurs : Marlon Brando, Harry Andrews, Thora Hird, Stephanie Beacham, Verna Harvey
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h36mn
- Titre original : The Nightcomers
- Date de sortie : 26 mars 1973
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 1971
Marlon Brando, plus bestial que jamais, pervertit deux gamins dans un film particulièrement retors, qui s’attaque aux mœurs bourgeoises.
L’argument : Miles et Flora, deux orphelins, sont inities a la vie par Peter Quint, palefrenier, jardinier et homme a tout faire de la maison de leur tuteur. Quand Mrs Grose, l’intendante, décide de renvoyer Quint et la gouvernante Miss Jessel qui est également sa maîtresse, les enfants se rebellent.
Notre avis : Se voulant une préquelle du roman d’Henry James, Le tour d’écrou (œuvre adaptée magistralement au cinéma par Jack Clayton avec Les innocents), Le corrupteur de Michael Winner est un film à part dans la filmographie de ce cinéaste surtout connu pour Un justicier dans la ville avec sa fameuse loi du talion.
En effet, ce long métrage interroge les idées conservatrices du réalisateur britannique. Il se déroule dans une ambiance trouble où deux jeunes enfants, qui vivent à la campagne dans une demeure bourgeoise quelque part en Irlande, sont initiés à des jeux pervers par l’homme à tout faire de la maison, Peter Quint, interprété par un excellent Marlon Brando, alors au creux de sa carrière.
Quint se situe à l’opposé de la préceptrice de la maison, miss Jessel, jouée par une Stephanie Beacham qui va subir les pires outrages.
Il est athée (“les morts ne vont nulle part puisqu’ils n’ont nulle part où aller”), fait preuve de familiarités et de manières rustres. De son côté, c’est une fervente catholique (“les bons vont au ciel, les méchants en enfer”) qui a un style très BCBG. Pourtant, cette dernière est irrémédiablement attirée par le côté très naturel et pervers de Quint. Ce long métrage comporte à cet effet un érotisme doublé d’un sado-machisme prononcé entre ces deux personnages. Le corrupteur datant de 1971, il s’inscrit à ce titre dans le mouvement libertaire, notamment sur le plan sexuel, des années 70. C’est aussi une façon de critiquer ouvertement le mode de vie bourgeois.
Mais le film ne s’arrête pas là. Car si la société dans son ensemble est en pleine mutation dans les années 70, plusieurs valeurs universelles le sont également. Dans cette œuvre, c’est précisément la cellule familiale qui est mise à mal. Les deux enfants, Miles et Flora, ont perdu leurs parents et n’ont plus qu’un oncle faisant office de tuteur. Sauf que ce dernier ne s’intéresse pas à eux et confie leur éducation à une gouvernante. Dès lors, c’est Quint qui fait office de père de substitution et miss Jessel de mère. Mais Quint n’est pas animé d’intentions louables. Peut-être qu’il en veut à la société et souhaite se venger de ceux qui le réduisent à un rôle subalterne de simple palefrenier. Le film pourrait alors être vu comme une illustration de la lutte des classes avec son rapport constant de dominant-dominé. Quint se plaît à battre miss Jessel, à la ligoter. Il aime également critiquer son côté intellectuel alors que lui-même n’a aucune instruction. Et puis surtout Quint pervertit les enfants à dessein en les influençant de manière néfaste et en les conditionnant à sa façon.
Ne saisissant pas la notion du mal, ces enfants prennent tout au pied de la lettre commettent des actes graves avec une certaine candeur. Ils ignorent la notion de péché, une façon pour ce long métrage de s’en prendre à nouveau à la religion.
Par ailleurs, il y a constamment dans Le corrupteur un voyeurisme qui peut sembler malsain avec les enfants qui observent les jeux d’adultes et tentent de les reproduire à leur manière. Cela donne lieu à des scènes troublantes, notamment quand le jeune garçon pratique le bondage sur sa sœur.
Autant dire que ce long métrage ne cherche pas à tout prix à plaire à son public, puisqu’il questionne sans cesse les fondements même de toute moralité. La fin, qui permet de faire la jonction avec Le tour d’écrou, ne fait pas dans la demi mesure. Et nos chères têtes blondes sont loin d’être au dessus de tout soupçon.
En somme, Le corrupteur aborde des thématiques sulfureuses qui vont à l’encontre d’une bourgeoisie puritaine. Considéré comme l’ami des stars, le réalisateur Michael Winner surprend avec ce film de commande qui s’inscrit pourtant davantage dans le sillage de ses oeuvres britanniques des années 60 que de ses séries B réactionnaires des années 70-80. Au côté mystérieux et surnaturel du Tour d’écrou, le cinéaste britannique oppose un côté rationnel avec une analyse sociologique assez fine qui tourne autour d’une lutte sociale.
Plus de quarante ans après sa sortie, Le corrupteur continue donc de faire son effet.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.