Le 10 janvier 2017
Une immersion intéressante dans la célèbre école de cinéma, à travers le très sélectif concours qu’elle organise chaque année.
- Réalisateur : Claire Simon
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Durée : 1h59mn
- Date de sortie : 8 février 2017
- Festival : Festival de Venise 2016
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Résumé : C’est le jour du concours. Les aspirants cinéastes franchissent le lourd portail de la grande école pour la première, et peut-être, la dernière fois. Chacun rêve de cinéma, mais aussi de réussite. Tous les espoirs sont permis, toutes les angoisses aussi. Les jeunes gens rêvent et doutent. Les jurés s’interrogent et cherchent leurs héritiers. De l’arrivée des candidats aux délibérations des jurés, le film explore la confrontation entre deux générations et le difficile parcours de sélection qu’organisent nos sociétés contemporaines.
Notre avis : Il est rare qu’une caméra sonde les coulisses d’un concours du supérieur. La réalisatrice Claire Simon, dont on connaît le regard précis, s’est immiscée au cœur même de la Femis, la prestigieuse école de cinéma qui, chaque année, reçoit des centaines de candidats pour très peu de places offertes (moins de 5 %). La caméra, d’abord surplombante, enregistre l’arrivée d’une masse d’étudiants qui vont bientôt prendre place dans une immense salle de projection, pour y plancher sur un extrait de film, en l’occurrence une scène lyrique issue du long métrage Shokuzai - celles qui voulaient se souvenir. Cette épreuve de pré-admissibilité offre une matière cinématographiquement exploitable, par sa grande solennité : lorsque les lumières se rallument et que les postulants commencent à rédiger leur analyse de la séquence, un panoramique balaye la foule studieuse, saisit quelques étudiants dont les postures sont momentanément repérables : un jeune homme à barbichette s’accorde une pause de réflexion, un autre mâchouille un bâton de sucette, une jeune femme se ronge l’ongle. Ce regard scrutateur, à la recherche de personnalités distinctives, constitue une métaphore subtile de ce que privilégient les jurys de concours : des individus dont les personnalités saillantes garantiront un regard artistique original, quels que soient leurs départements d’élection (la Femis en propose sept, de la réalisation à la production, en passant par le scénario ou le montage).
Cet accord de principe n’exclut pas les divergences des membres du jury, qui, à travers des réunions plénières ou des commissions d’harmonisation, n’ont pas la même appréciation des candidats. Le documentaire offre à voir la grande contingence de certaines décisions, notamment lors du grand oral d’admission où les étudiants n’ont que quelques minutes pour faire valoir leur motivation, séduire leur sept interlocuteurs par leur culture cinématographique, témoigner de leur connaissance d’un métier auquel ils postulent. L’hétérogénéité des examinateurs (réalisateur, exploitants de salles, gérants de société d’exploitation cinématographique..) explique certainement les différences d’appréciation, même s’il est convenu -pour le moins- de rappeler qu’une grande rationalité préside à la décision finale. A de maintes reprises, le debriefing ne se départit pas d’une expertise psychologique dont on peut véritablement discuter la pertinence. Ainsi, un membre du jury se hasarde sur une candidate plutôt spontanée : « Elle est vive. Est-ce qu’elle n’est pas trop gentille ? »
A contrario, les examinateurs délaissent la question lorsqu’un futur impétrant met en exergue une appréhension quasi mystique de l’art cinématographique. Les mots "sensibilité", "réflexion", "désir" viendront couronner cette prestation sincère, mais pourvoyeuse de mythologies artistiques auxquelles, visiblement, les membres du jury souscrivent. Ce segment du film est d’ailleurs le plus long, le découpage en champ-contre champ ne contribuant pas à le rendre particulièrement dynamique. Les séquences relatives aux épreuves d’admissibilité sont plus agréables, dans la mesure où elles montrent des candidats en situation de réflexion scénaristique ou en pleine élaboration de scènes à filmer. Les choix opérés permettent un échange souvent intéressant avec les examinateurs.
Il reste que le caractère élitiste de cette sélection configure, dans le jury, des postures clairement définies et des discours d’une radicalité parfois gênante auxquels nul membre, même le plus bienveillant en apparence, ne pourra échapper. Affables avec les candidats, certains examinateurs tombent le masque lorsqu’ils délibèrent entre eux : l’arrière-boutique où se jouent des destins individuels résonnent de propos radicaux-"nul", « je l’ai vue se masturber devant ses rushs », « j’ai l’impression qu’il était sous coke »-, même si d’autres appréciations, respectueuses du travail proposé, sont beaucoup plus plaisantes à entendre.
Un peu décevant au niveau du montage, Le Concours est un documentaire particulièrement éclairant sur les pratiques de ces institutions qui adhèrent à des processus de sélection drastiques et sur la violence symbolique qu’elles exercent immanquablement.
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