Le choix - Gilles Bourdos - critique

Critique : La nuit tombe mais sur ce chantier de construction, l’activité est intense. L’un des hommes reçoit un coup de téléphone. Son visage se fige. Visiblement, la nouvelle, dont on ne sait si elle est bonne ou mauvaise, est de première importance, puisqu’ immédiatement, il s’éloigne de son lieu de travail pour regagner sa voiture qu’il ne quittera plus tout au long de ces soixante-seize minutes que dure le film. Joseph Cross est un chef de chantier très investi et ce bâtiment en pleine construction symbolise le couronnement d’une vie professionnelle réussie. Marié, père de deux enfants, l’homme a bâti sa vie privée sur des fondations aussi solides que ses immeubles. Et pourtant, cette nuit-là, seul dans sa voiture, il va prendre une décision irrationnelle qui va faire exploser l’intégralité de sa vie.

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Usant d’un procédé original (un seul lieu, un seul acteur), Gilles Bourdos bâtit un thriller existentiel, dont la tension ne cesse de monter. Tout en se hâtant vers une destination où il est impatiemment attendu, notre protagoniste multiplie les appels téléphoniques avec ses enfants, sa femme, son supérieur hiérarchique, ses collègues. Les obstacles s’accumulent, les trajectoires s’enchevêtrent. Dès que l’une d’entre elles semble être en voie de résolution, une nouvelle difficulté surgit dans un autre domaine. Le sort réservé à cet homme semblable à tant d’autres, dont la principale faute est de s’enfoncer dans une détermination inconsidérée, capte de plus en plus l’attention. Va-t-il tout détruire pour respecter ce qu’il pense être juste au risque de le payer très cher ?

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Sur une autoroute quasiment vide, file une puissante berline au cœur de la nuit, entre ombre et lumière, à la faveur des éclairages routiers. S’écrasant sur le pare-brise, des lumières orangées ricochent sur le visage du conducteur seul dans son habitacle, juste relié à l’extérieur par des conversations téléphoniques. Un procédé qui participe aisément à la sensation d’enfermement d’un récit qui, peu à peu, referme ses griffes sur un homme totalement ordinaire auquel on n’a aucun mal à s’identifier.
Pour transmettre au mieux toute la complexité de cet imbroglio de pensées contradictoires, il fallait un comédien capable de développer mille nuances. Le choix de Vincent Lindon s’avère ici judicieux, lui qui, d’une simple intonation de voix, souffle la vulnérabilité autant que l’autorité. À fleur de peau, avec une immense pudeur, il suggère d’un regard, il effleure d’un geste, le tout avec une telle maîtrise qu’il en devient touchant.
Filmer un homme seul dans sa voiture pour décrypter l’immensité des paradoxes humains, Gilles Bourdos l’a osé, Vincent Lindon l’a magnifié. Mieux qu’un immeuble en béton, tous deux bâtissent une œuvre dont la simplicité n’a d’égale que l’efficacité.