Le 22 septembre 2016
Feyder, qu’on n’attendait pas dans ce genre, signe un mélodrame historique de bonne facture, tout entier tourné vers Marlène Dietrich.
- Réalisateur : Jacques Feyder
- Acteurs : Marlene Dietrich, Robert Donat
- Genre : Drame, Aventures, Historique, Noir et blanc
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h43mn
- Titre original : Knight Without Armour
- Date de sortie : 2 septembre 1937
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Résumé : Un jeune journaliste anglais, espion pour le compte du gouvernement britannique, opposé au tsar et impliqué dans un complot, est envoyé en Sibérie. Délivré par l’armée rouge, il est chargé d’escorter une prisonnière, une princesse tsariste, dont il tombe amoureux.
Notre avis : Le chevalier sans armure fait partie des derniers films de Feyder, qui cherchait en vain à renouer avec le succès, tournant à Londres (comme ici) ou à Munich pour le suivant (Les gens du voyage), sans jamais reconquérir un public qui se détournait. Tragique échec que ce mélodrame historique, qui avait tout pour marcher : une reconstitution soignée, des vedettes majeures (Marlène Dietrich et Robert Donat), un scénario qui joue sur la grande et la petite histoire non sans grandeur, et, à l’origine, un roman d’un écrivain alors célèbre, James Hilton, auteur de Lost horizon et Goodbye, Mr Chips, tous deux adaptés avec succès. Alexander Korda n’avait pas lésiné sur les moyens et les vues de la Russie comme la masse des figurants forment un tout convaincant. Mais la sanction, impitoyable, fit de ce film une expérience unique et, partant, une rareté.
À le voir aujourd’hui, on est stupéfait par le traitement de Marlène Dietrich, dans sa période post-Sternberg, dont Feyder se souvient et qu’il cite même : l’abondance de gros plans magnifiquement éclairés sonnent comme autant d’hommages à une icône. Improbable de sophistication, qu’elle sorte de la rivière, qu’elle émerge d’un lit de feuilles ou qu’elle ait les yeux couverts de savon, c’est avec une sorte de fidélité respectueuse qu’il la cadre. De même la scène d’essayage est-elle une citation directe de L’impératrice rouge, avec ses jeux de miroirs et sa profusion de détails. Ces plans sont des respirations dans une intrigue qui se veut trépidante, une fuite amoureuse et pleine de péripéties dans la Russie révolutionnaire.
Si le film commence avant, c’est pour installer des personnages : la comtesse d’un côté, familière d’un luxe insouciant, et l’espion vite emprisonné. Feyder se débarrasse assez rapidement de ces séquences, au prix de raccourcis voyants (la scène en Sibérie est trop déclarative), mais il sait jouer de nos attentes en faisant se croiser le couple sans qu’il se rencontre. Ce qui l’intéresse, c’est davantage la fuite aventureuse, avec ses retournements extravagants, mais extravagants comme l’est cette époque : à plusieurs reprises l’amertume gagne car, que ce soit les Rouges ou les Blancs, les mêmes images reviennent de jugements arbitraires et d’exécutions sommaires. Comme le dit un personnage secondaire, un soldat est un soldat : Rouge ou Blanc, il pille et il massacre. D’où l’espèce de neutralité dont les héros se parent, puisqu’ils ont à souffrir des deux camps.
Le cinéaste dose savamment les séquences à suspens et celles où le couple goûte un repos aussi invraisemblable que mérité : l’occasion pour lui de soigner des moments de douceur, comme la belle scène dans la forêt, devenue un Éden chatoyant dans laquelle ils vivent une parenthèse enchantée. Les actions sont quelquefois plus banales et on sent Feyder mal à l’aise dans les quelques bagarres qui émaillent le film comme autant de passages obligés. En revanche son talent éclate par moments, presque fugitivement : voir par exemple le beau plan de la traîne après l’attentat, l’arrivée des Rouges menaçants dans le jardin, ou un travelling arrière sur des convives dépliant leurs serviettes.
Si Le chevalier sans armure n’a pas l’envergure des grands mélodrames historiques, il en a nombre d’atouts : le destin qui s’acharne, la période troublée, les coïncidences, la galerie de personnages secondaires qui fonctionnent comme autant d’auxiliaires, le luxe de la reconstitution et, il faut bien le dire, l’incroyable photogénie des deux acteurs principaux. C’est encore aujourd’hui une raison de voir ce film plaisant et parcouru de belles idées : du chef de gare qui annonce d’invisibles trains à la mitraillette qui résonne au milieu du repas, on a l’esprit constamment titillé, ce qui, à défaut d’un lyrisme échevelé, suffit à le rendre largement recommandable.
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