Le 14 avril 2020
Donna Tartt livre une odyssée hallucinée dans l’Amérique d’aujourd’hui, nimbant de cauchemar une réalité déjà bien sombre... Suspense et douleur, onirisme sordide et réflexion sur l’art et l’humanité : un grand livre.


- Auteur : Donna Tartt
- Collection : Feux croisés
- Editeur : Plon
- Genre : Thriller, Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Edith Soonckindt
- Prix : Pulitzer
- Titre original : The Goldfinch
- Date de sortie : 9 janvier 2014
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : Qui est Theo ? D’où vient-il ? Que lui est-il arrivé entre son treizième et son vingt-septième anniversaire ? Comment passe-t-il d’une chambre d’hôtel luxueuse à Amsterdam aux rues de New-York ? Et cette toile de maître qu’il emporte partout ? A la fois Bildungsroman et thriller déroutant, {Le chardonneret} fouille les angoisses et les vices de la société américaine, laissant le lecteur pantois.
Critique : Ce roman percute, laisse le lecteur pantois, essoufflé, soufflé. Sa structure circulaire débute et s’achève avec un Theodor Decker de trente ans qui, entretemps, nous raconte ce qu’il a vécu ces quatorze dernières années. La mort de sa mère bouleverse à jamais son existence, le lâche dans le grand bain des émotions, de la vulnérabilité, des drogues. Pour échapper au cauchemar éveillé, il se créera son propre univers onirique, pas forcément beaucoup plus doux, fait de cachets, de poudre, d’herbe, de vodka. Un cocon inconfortable qui devient rapidement délicieux pour Theo, indispensable à sa survie – d’ailleurs, vivre en vaut-il vraiment la peine ?
Le chardonneret, tableau de Fabricius, joue un rôle allégorique, semblant représenter l’homme et toute l’horreur de sa condition, enchaîné, incapable de se mouvoir, de s’envoler, fixant son destin avec résignation et humilité, pris entre deux étaux : la laideur du mur qui le retient prisonnier et la beauté de ses ailes déployées, du ciel bleu que nous ne pouvons que deviner dans l’œil de l’oiseau. Dans une mise en abîme stupéfiante, Donna Tartt crée un système d’échos et de résonances, une œuvre qui oscille entre essai philosophique, roman initiatique, traité nihiliste, récit halluciné et éblouissement. Theo est mal dans sa vie, tente de se raccrocher au concret des vieux meubles qui encombrent la boutique d’Hobie, aux odeurs de poussière et de cire, au regard calme et bienveillant de celui qui sera comme un grand-père, comme un tuteur, un point d’ancrage pour lui. Mais la douceur promise par ce sous-sol rassurant et plein de vieux sages ne suffit pas à ce héros perturbé et fiévreux. Une addiction après l’autre, il chasse l’addiction de tout enfant : celle qui le relie à sa mère, mère partie trop tôt. Quadrillage new-yorkais, désert californien, lotissement abandonné et sordide parce que vide, jusqu’à un hôtel luxueux à Amsterdam, Theo parcoure rues et états, villes et maisons, déambule en espérant pouvoir échapper à son mal-être et à sa condition, à son vague à l’âme et à son amour perdu.
« Dickens avec des flingues, Dostoïevski sous amphétamines, Tolstoï chez les marchands d’art », dit le Times. Et en effet, le style est bluffant : Donna Tartt parvient à donner une atmosphère poudrée, hallucinée, à toute chose, à toute réalité, brouillant les frontières entre rêve et certitude. Des lambeaux de cauchemar restent accrochés à ce qui entoure le protagoniste ; tout, à travers ses yeux, vacille, incertain. Onirisme épouvanté, vérité insupportable – quel chemin sera celui choisi par Theo ? À quoi bon lutter contre celui que nous sommes, au plus profond de notre cœur ? Pourquoi vivre si c’est pour divaguer entre deux eaux, hésitant entre notre essence véritable et ce que la société tente de faire de nous ?
Donna Tartt - Le chardonneret
Plon
800 pages
155 x 240 mm