Le 24 juillet 2023
Le livre de l’économiste Thomas Piketty s’était vendu à plus de 2,5 millions d’exemplaires en France avant de s’imposer comme un succès d’édition aux Etats-Unis. Il vient d’être adapté à l’écran par le documentariste néo-zélandais Justin Pemberton, offrant un regard lucide et éclairé sur l’origine des inégalités socio-économiques dans les sociétés mondialisées.
- Réalisateurs : Thomas Piketty - Justin Pemberton
- Nationalité : Français, Néo-zélandais
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h43mn
- Date télé : 24 juillet 2023 23:15
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 22 juin 2020
L'a vu
Veut le voir
Critique : « 1% de la population mondiale détient plus que les 99% restants… Vous trouvez ça normal ? » Ainsi le film introduit-il la notion de capital, dans le sens des ressources économiques énormes accaparées par un très petit nombre de personnes. Il s’agit alors d’étudier dans quelles conditions le capital s’est imposé comme le critère essentiel de domination de certaines couches de la population sur toutes les autres, jusqu’à être à l’origine d’un véritable système de production des inégalités. Pour cela, plutôt qu’une obscure démonstration économique, Thomas Piketty nous propose un voyage dans trois siècles d’histoire aux fondements du capital. Cette étude s’appuie à la fois sur le témoignage de géopoliticiens, historiens ou économistes issus de la sphère universitaire ou journalistique (par exemple Francis Fukuyama, auteur en 1992 de l’ouvrage très remarqué La fin de l’histoire et le dernier homme), mais aussi sur des extraits de films, de dessins animés ou d’archives télévisuelles. La majeure partie du documentaire est faite en « found footage », c’est-à-dire qu’elle reprend des très courtes bandes vidéo issues d’autres films. On découvre ainsi la société très fragmentée de l’Angleterre du XVIIIe siècle au détour d’une scène d’Orgueil et préjugés, la Grande Dépression avec un passage des Raisins de la colère, tandis que Homer Simpson et sa famille illustrent la crise financière de 2008. Certains plans sont d’ailleurs particulièrement efficaces, comme ce travelling sur la Skyline new-yorkaise avec en fond le titre Royals interprété par Lorde.
- © Diaphana distribution
Par cette alliance entre discours intellectuel et images issues de la culture populaire, le spectateur perçoit de manière concrète les rapports de domination qu’entraîne la concentration du capital aux mains des élites politiques, économiques et financières. Pemberton évite cependant le piège de la démagogie qui consisterait à manipuler des symboles dans le seul but de convaincre : sans être toujours très spectaculaires, les images servent avant tout à illustrer un propos. On peut y adhérer ou non, mais à aucun moment le documentaire ne prend parti politiquement. Thomas Piketty, vivement critiqué à ce propos, l’explique bien dans son deuxième ouvrage Capital et idéologie, publié en septembre 2019 : « Compte-tenu de la complexité des questions posées, il va de soi qu’aucune idéologie ne pourra jamais emporter l’adhésion pleine et entière de tous : le conflit et le désaccord idéologique sont inhérents à l’idéologie elle-même ».
L’analyse présente dans le documentaire a donc plutôt la forme d’un constat s’appuyant sur des exemples historiques précis pour démonter l’une des grandes idées reçues du capitalisme, à savoir que le progrès social est linéaire et que chaque génération voit sa situation s’améliorer nettement.
Ce film prouve justement l’inverse : avec la libre circulation du capital et la dérégulation des marchés financiers que l’on observe depuis les années 1980, deux tiers des habitants de la planète risquent aujourd’hui d’être plus pauvres que leurs parents (selon la chroniqueuse économique américaine Rana Foroohar). L’une des explications données par Piketty est justement que le capital s’est trop éloigné des activités productives et que, de fait, la croissance économique ne profite plus au bien-être de l’ensemble de la population, avec pour conséquences majeures un ascenseur social bloqué et une classe moyenne qui régresse. D’où son idée de redistribuer les revenus du capital, notamment par un impôt plus progressif et une redéfinition de la durée d’héritage.
Il est toutefois impossible de résumer un livre de mille pages en moins de deux heures (ce qui explique parfois certains raccourcis dans la trame historique) ; le film doit avant tout être vu comme un complément à l’ouvrage de Thomas Piketty, mais reste pour les non-initiés une porte d’entrée vers sa pensée. En analysant les dérives du capitalisme grâce à l’expérience du passé, Le Capital au XXIe siècle montre que des solutions existent afin de faire face aux défis de l’avenir. Une piqûre de rappel indispensable pour comprendre la lutte contre les inégalités aujourd’hui.
- © Diaphana distribution
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.