Le 2 novembre 2018
Adaptation en demi-teinte sauvée par des interprètes au sommet.


- Réalisateur : Martin Ritt
- Acteurs : Yul Brynner, Joanne Woodward, Margaret Leighton
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Editeur vidéo : Rimini Éditions
- Durée : 1h50mn
- Box-office : 266 060 entrées France / 59 471 entrées P.P.
- Titre original : The Sound and the fury
- Date de sortie : 6 avril 1959

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Résumé : Les vies et passions des Compsons qui était autrefois une fière famille sudiste aujourd’hui ruinée sur les plans financier et émotionnel. Howard boit toute la journée, son frère Bengry est un enfant dans un corps d’adulte, sa sœur Caddy est revenue à la maison après être partie avec ses prétendants. Seul le cruel Jason au cœur dur comme la pierre, qui a repris le contrôle de la famille et Quentin, abandonné à la naissance par Caddy ont l’énergie nécessaire pour remettre la famille sur pieds.
Notre avis : Martin Ritt avait joué petit bras en adaptant avec Les feux de l’été un roman peu connu de Faulkner ; en 1959, il s’attaquait à plus forte partie, rien moins que Le bruit et la fureur, œuvre complexe reposant sur des points de vue différents. Inutile de dire que le scénario hollywoodien aplanit, affadit même cette structure pour ne garder que l’intrigue et la développer en un mélodrame prestigieux : cinémascope, couleurs chatoyantes, interprétation de luxe. Le prix Nobel de littérature n’est plus qu’un prétexte culturel, qu’il vaut mieux oublier si l’on veut un tant soit peu savourer un film qui vaut mieux que sa réputation, sans atteindre les sommets de Minnelli ou Sirk.
À travers le destin d’une famille déchue, Le bruit et la fureur déploie une tragédie frelatée, une tragédie sans tragique. Les personnages ont beau se référer aux Grecs antiques, rien ne grand ne leur advient ; on peut même dire que rien ne leur advient ; si la mère de l’héroïne prénommée Quentin revient dans la maison autrefois opulente mais dont la caméra insiste sur les taches d’humidité, elle n’apporte pas à sa fille la défense qu’elle attendait face au maître de maison, Jason, homme froid et autoritaire, seul à gagner de l’argent comme il le répète à plusieurs reprises. D’une certaine manière, le film raconte les déceptions successives de Quentin, qui ne connaîtra ni l’amour (son aventure avec un forain tourne court), ni la liberté, malgré une fin ouverte qui la consacre adulte.
C’est que sa famille dégénérée se compose de trois adultes en peine : un alcoolique, un demeuré et une nymphomane. À quoi s’ajoutent une vieille acariâtre (interprétée par Françoise Rosay) et des serviteurs noirs, témoins impuissants de l’enfer quotidien. Dans cette maison où tout le monde se plaint et crie, Jason est le seul à tenir, le seul à garder une fierté tenace. Les autres sont déchirés par leur souffrance (un homme est « la somme de ses malheurs ») et s’acharnent à répéter les mêmes comportements destructeurs, obéissant à une sorte de malédiction : si Quentin porte le prénom d’un suicidé, les autres ressassent leur glorieux passé dans un enfermement que Benjy, le frère idiot, concrétise par son mutisme. Rien donc de bien joyeux, la vision du Sud est pleine d’amertume et de ressentiment, conforme en cela aux lignes directrices de Faulkner.
- © 1959 Twentieth Century Fox. Tous droits réservés.
Martin Ritt privilégie les séquences dialoguées (un peu trop, sans doute), n’ajoutant ni paroxysmes ni grandiloquence : c’est cette retenue qui fait le prix du film. Il ne nous en apparaît que plus moderne, loin des outrances et des « scènes à faire ». D’autant que l’interprétation ne sombre pas dans le cabotinage : Yul Brynner apporte son opacité à un personnage mystérieux, Joanne Woodward a la fraîcheur nécessaire au rôle, et même Margaret Leighton en mère indigne parvient à toucher sans effets faciles. Pourtant, si le film ne séduit pas totalement malgré la force du sujet, c’est que Ritt manque de souffle et d’audace. Sa mise en scène ronronne trop souvent et, pour une belle séquence entre Quentin et sa mère, tout en demandes inabouties, combien d’autres se contentent de bavardages trop explicites, de démonstrations un peu sentencieuses. Reste qu’il est difficile de se détacher de cette famille emprisonnée dans son propre enfer, de cette vision sombre qu’une image opulente n’égaie jamais.
- © 1959 Twentieth Century Fox. Tous droits réservés.