Cinglée - la critique du film

Notre avis : Appartenant au genre très circonscrit du film de prétoire, Cinglée en adopte les codes, de l’avocat en manque d’expertise au retournement du juge. Dans ce cadre Martin Ritt joue le jeu, avec un certain brio, et surtout avec un respect total ; respect du scénario évidemment, sans chercher à l’aérer de manière artificielle, mais aussi de ses interprètes, tous excellents, même si on peut avoir des réserves sur des moments de pur cabotinage. Le cinéaste se place dans la juste ligne de ses films précédents, attaquant les injustices avec force ; l’inhumanité de la prison et de la justice en général, voir les premières séquences magnifiques, traitées en longs travellings révélateurs, rejoignent la dénonciation de la famille et de ses apparences, à travers le viol de la belle-fille. On connaît le danger de ces œuvres à thèses, lourdes et démonstratives, et Cinglée n’y échappe pas toujours : les personnages n’ont pas toujours une finesse exquise et la sensibilité approche parfois la sensiblerie ; le mélodrame avec la mère en particulier n’est pas léger.

(C) Warner Bros Distribution

Néanmoins le métier de Ritt fait merveille : il parvient à faire de l’adaptation d’une pièce de théâtre un huis-clos étouffant, par un choix des cadrages singulièrement efficace ; il s’appuie également sur des dialogues très écrits, omniprésents bien sûr, envahissants parfois. On s’amuse beaucoup de joutes magnifiées par des seconds rôles extraordinaires : Karl Malden en beau-père incestueux, Eli Wallach en médecin entêté ou James Whitmore en juge malicieux offrent un spectacle de tous les instants, beaucoup plus que les acteurs principaux, plus en démonstration. C’est leur abattage qui fait tenir le film et le fait échapper à l’ennui.

(C) Warner Bros Distribution

Si on en reste à ce que le scénario « dit », que ce soit sur la violence faite aux femmes ou la lourdeur des machineries judiciaires et médicales, Cinglée n’y va pas avec le dos de la cuillère : le viol mène à la prostitution, les hommes sont des bêtes sauvages. Hors les murs du tribunal, et encore, le monde est une jungle sans merci. C’est dire si on est bien dans un film à thèse, manquant cruellement de nuances. Et pourtant, emporté par le brio des dialogues, par la tension palpable, par les rebondissements, le spectateur se laisse embarquer dans cette machine bien huilée, très professionnelle.