Le 31 janvier 2022
Ce premier roman met en scène les Américains qui portent des armes et s’en servent, ceux qui arborent des tatouages douteux et étudient l’allemand. John Woods crée des héros oxymoriques et écœure son lecteur avec tant de noirceur.
- Auteur : John Woods
- Collection : Terres d’Amérique
- Editeur : Albin Michel
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Diniz Galhos
- Date de sortie : 1er février 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Amy Wirkner, lycéenne de 18 ans, est surnommée « Chevy » par ses camarades en raison de son surpoids. Solitaire, drôle et intelligente, elle est bien décidée à obtenir une bourse pour pouvoir aller à l’université et quitter enfin ce trou perdu de l’Ohio où la fracturation hydraulique empoisonne la vie des habitants. Convaincue que l’eau de la région devenue toxique est à l’origine des malformations de naissance de son petit frère, elle accepte de participer avec son meilleur ami à un acte d’écoterrorisme qui va mal tourner. Mais Amy refuse de laisser l’erreur d’une nuit briser ses rêves, quitte à vendre son âme au diable…
Critique : Les phrases courtes de John Woods vont droit au but, factuelles et efficaces, ici et là entrecoupées de dialogues rythmés. Ce premier roman est d’une grande noirceur, peut-être si sombre qu’il en devient caricatural par moments. L’Ohio de l’auteur est rural, peuplé de mobil-homes décatis, hantés par des hommes brutaux aux muscles apparents et marqués de tatouages allemands. Les policiers sont corrompus, l’un de leur leader aimant lire Heidegger et croyant en la phrénologie, cette occulte science qui consiste à classer les races humaines en fonction des os crâniens. Les vétérans sont légion dans cette petite ville et construisent des bunkers sous leur maison, certains que la lutte ne fait que commencer, que la fin du monde est proche.
Amy, alias Chevy, elle, est une lycéenne comme les autres sauf peut-être qu’elle est plus pauvre, plus ronde, et plus déterminée qu’aucun autre élève de son établissement. Elle sortira d’ici, elle se hissera hors de la lie, loin des odeurs de soufre et de l’eau empoisonnée par l’entreprise d’exploitation gazière qui leurre les habitants, les familles comme celle de la narratrice, désespérée et sans ressources. Elle fera un pied de nez au déterminisme social et prouvera que rien n’est impossible. Son destin est tout tracé et, pour empêcher son rêve de fondre à la flamme des puits de fracturation hydraulique, elle est prête à tout, même à renier son humanité – ou plutôt, selon les théories en vogue à Barnesville, à en faire preuve, à démontrer qu’elle appartient à la race aryenne dont se revendique son oncle, malgré ses cheveux auburn et ses « yeux de tigre ».
Les pages se tournent, vite, toujours plus vite, le lecteur bientôt englué dans la poix qui recouvre tout et tout le monde dans cette petite ville de la Rust-Belt. Pourtant, il se sent voyeur, souvent écœuré par ce qui est relaté dans ces pages, incapable de comprendre ce qui s’y joue. Les personnages créés par John Woods sont oxymoriques, leurs actes apparaissent comme contradictoires, désordonnés, commandés par une volonté suprême ou, justement, par les instincts humains les plus bas. D’ailleurs, se distingue peu à peu une forme de supériorité de l’auteur envers ses héros, comme une impossibilité à les aimer, à les comprendre, qui empêche le lecteur de totalement pénétrer le roman et l’intériorité des protagonistes. Leurs émotions restent masquées, étouffées par l’air lourd et par leurs quêtes obstinées ou vaines – souvent les deux.
John Woods - Lady Chevy
Albin Michel
140.00 mm x 205.00 mm
480 pages
22,90 euros
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