Le 13 août 2022
Il ne suffit pas de glisser quelques clins d’œil à un roman dont on emprunte le titre pour s’en prétendre l’adaptation. Ceux qui y voient l’oeuvre de Stephen King ont oublié le visage de leur père.
- Réalisateur : Nikolaj Arcel
- Acteurs : Matthew McConaughey, Dennis Haysbert, Idris Elba, Katheryn Winnick, Fran Kranz, Abbey Lee, Tom Taylor
- Genre : Aventures, Fantastique, Nanar
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Sony Pictures Releasing France
- Durée : 1h35mn
- VOD : Netflix
- Date télé : 28 juin 2024 23:00
- Chaîne : RTL9
- Box-office : 25M$ en 6 jours aux USA
- Titre original : The Dark Tower
- Date de sortie : 9 août 2017
- Voir le dossier : Stephen King
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Résumé : Le dernier Pistolero, Roland Deschain, est condamné à livrer une éternelle bataille contre Walter O’Dim, alias l’Homme en noir, qu’il doit à tout prix empêcher de détruire la Tour sombre, clé de voûte de la cohésion de l’univers. Le destin de tous les mondes est en jeu, le bien et le mal vont s’affronter dans l’ultime combat, car Roland est le seul à pouvoir défendre la Tour contre l’Homme en noir…
Critique : À en croire le principal intéressé, à savoir Stephen King, La Tour sombre est « la Jupiter du Système solaire de son imagination ». Autant que, de la part d’un auteur aussi prolifique que lui, ce récit-fleuve en sept volumes rédigés en plus de vingt ans (plus un spin-off publié quelques années plus tard), est un matériau riche, et que pourtant ses lecteurs ont toujours jugé inadaptable.
Cette frilosité de voir les aventures du Pistolero portées à l’écran s’explique en trois points : tout d’abord, il s’agit d’un mélange de genres comme on n’a pas l’habitude d’en voir au cinéma ; ensuite, le récit prend une tournure méta puisque les héros finissent par accepter qu’ils sont des créations de Stephen King qui devient alors lui-même personnage ; enfin, et surtout, s’y croisent des éléments issus d’autres romans, qui sont justement ceux là-mêmes qui furent mal adaptés chaque fois qu’ils ont été portés à l’écran.
Tout cela pour dire que lorsque le projet de la Sony a commencé à faire du bruit il y a un an, tous les fans du roman ont vu venir le désastre, et l’information comme quoi cette soi-disant adaptation de quatre mille pages se ferait sur à peine une heure et demie n’a fait qu’enfoncer le clou. Dès son carton d’ouverture, toutes les craintes se sont confirmées : une Tour sombre est au centre de l’Univers, nous protège du mal et un enfant a le pouvoir de la détruire. Si vous n’avez pas lu les romans, vous n’en saurez jamais plus sur les enjeux cosmiques et les implications mythologiques de cette fameuse Tour. Vous voilà avertis !
- Copyright 2017 Sony Pictures Releasing
Un enfant. C’est là le cœur de ce scénario où le héros original, le pistolero Roland, n’est relégué qu’au rang de protagoniste et où, pire encore, les autres personnages secondaires du roman sont littéralement passés à la trappe. Il faut admettre qu’un toxicomane et une handicapée sont des figures moins vendeuses, mais la vraie raison à la limitation du point de vue au jeune Jake, c’est que les scénaristes ont apporté un soin particulier à infantiliser leur matériau. L’histoire d’un gamin qui rencontre le héros dont il rêve, pour aller combattre à ses côtés, est une formule scénaristique éculée déjà dans grand nombre de contes et autres aventures pour marmots.
À condition de faire abstraction du (non-)travail d’adaptation, le film de Nikolaj Arcel se présente comme une sorte de variation « dark » du Monde de Narnia... mais, même en tant que tel, l’échec est incontestable.
Il n’a pas fallu attendre plus de quelques minutes pour admettre ce premier constat d’échec : Tom Taylor, qui incarne Jake Chambers, le personnage principal donc, a un jeu qui se limite à faire la moue, réduisant d’autant plus le charisme qui lui fait naturellement défaut. L’introduction du rapport à son père disparu est d’une mièvrerie puérile, ne faisant qu’appuyer la caricature d’ado à problème à laquelle est réduite ce pauvre Jack.
- Copyright 2017 Sony Pictures Releasing
À propos du personnage de Roland, inutile de revenir sur le choix d’Idris Elba. Après tout, l’ancien John Luther se retrouve à jouer les bonshommes bourrus et expéditifs, comme il l’a toujours fait. La différence est qu’il n’avait encore jamais incarné un personnage aussi mal écrit. Que sait-on de ce Roland ? Les seules informations le concernant, à savoir quelques vagues souvenirs de son père et des allusions à un lointain héritage de roi Arthur, sont si mal distillées qu’elles participent à cet effet qui transforme le mélange de genres en un vulgaire fourre-tout indigeste.
Le second nom en haut de l’affiche, celui de Matthew McConaughey, est quant à lui associé à une déroute plus grave encore. Réduit à un rôle de méchant d’opérette, ce cher "MattMac" semble ici aussi lisse qu’une poupée de cire à son image. Son manque flagrant d’implication dans l’interprétation de cette figure caricaturale appuie davantage le caractère grotesque, voire même la carence des enjeux qui caractérisent ce scénario crétin. Que reste-t-il à sauver alors ? Certainement pas les CGI, qui se limitent à des incrustations foireuses, ni les scènes de gunfights qui tentent vainement de reproduire – avec près de vingt ans de retard – les chorégraphies au ralenti de Matrix.
Même si l’on pouvait pardonner la dénaturation de romans connus comme étant inadaptables, la façon dont celle-ci est mise en scène manque à ce point de saveur qu’elle se révèle être un terrible manque de respect pour le travail de Stephen King et pour tous ses lecteurs. Pour leur part, les non avertis n’y verront qu’un récit aussi brouillon qu’inabouti sur le fond et un blockbuster puéril et maladroit sur la forme. En trois mots, une perte de temps.
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