La sirène rouge

Notre avis : Une sirène en exil. Six années qu’Olivier Megaton travaille sur ce projet. Six ans de réécriture, de financements retardés, de discussions passionnées et de patience usée jusqu’à la corde. Sa persévérance lui aura quand même donné raison : son adaptation de La sirène rouge de Maurice G. Dantec sort bien ce mercredi dans les salles françaises. Mais de là à vous conseiller d’aller le voir, il y a un pas que nous ne franchirons pas.
La mort aux trousses. Hugo, soldat émérite et idéaliste, combat pour la démocratie sous la bannière des Liberty Bells. Alice, gamine de douze ans, a découvert un réseau de snuff movies (d’authentiques meurtres filmés) dirigé par sa mère. Leurs chemins vont se croiser fortuitement pour ne former plus qu’un, lui en quête de Rédemption, elle à la recherche de son père planqué au Portugal. A leur poursuite, une armée de tueurs prêts à tout pour récupérer la fillette...
L’adaptation cinématographique d’un roman est toujours source de raccourcis plus ou moins judicieux. Celle du gros pavé de Maurice G. Dantec n’échappe pas à la règle. Oliver Megaton a usé de toutes les ficelles pour condenser l’historique, quitte à rendre les personnages caricaturaux, à passer à la trappe la toile de fond politique (le conflit en ex-Yougoslavie) qui accompagnait dans le livre les pensées d’Hugo, et à faire virer dans l’anodin la relation entre la petite Alice et son ange gardien. C’est finalement toute cette désillusion généralisée, ce goût ensorcelant de fin de siècle qui manquent cruellement au film de Megaton. Car Dantec, via sa prose nerveuse et son vocabulaire atypique, n’a pas son pareil pour narrer des destins brisés par les horreurs de la vie et les rendre attachants.
Si le film n’est pas à la hauteur des aspirations d’Olivier Megaton, il a le mérite d’autoriser un come-back à Jean-Marc Barr, perdu dans les gouffres du Dogme avec sa FreeTrilogy (Lovers, Too Much Flesh et Being Light). Dans la peau d’Hugo, il est saisissant de retenue, serein mais constamment en état d’alerte, prêt à bondir. Passons sur une consternante Asia Argento qui, à sa décharge, hérite des répliques les plus ineptes du film, et sur Frances Barber, grande actrice de théâtre qui surjoue à outrance son rôle de femme machiavélique.
En conclusion, Megaton a un talent indéniable pour mettre en image, un talent moindre pour diriger ses acteurs et un talent limite pour l’écriture. La sirène rouge aurait pu être le grand film français de la rentrée ; il ne sera qu’une déception de plus pour les amateurs de polars et les fans de Dantec. Il paraît d’ailleurs que l’écrivain a pleuré lorsqu’il a vu pour la première fois la transposition de son roman. Reste à savoir si c’était de joie ou de dépit...