Le 12 octobre 2020
Le film impressionniste de Christian Vincent documente la séparation d’un couple. Mais il n’évite pas l’écueil d’une certaine artificialité, à travers des scènes globalement convenues. Restent les talents d’Isabelle Huppert et de Daniel Auteuil.


- Réalisateur : Christian Vincent
- Acteurs : Isabelle Huppert, Daniel Auteuil, Karin Viard, Jérôme Deschamps
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Français
- Distributeur : AMLF Distribution
- Durée : 1h28min
- Date télé : 12 octobre 2020 13:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 24 août 1999

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Résumé : Anne et Pierre vivent en couple, à Paris, avec leur petit garçon "Loulou". Un soir, au cinéma, Anne refuse de prendre la main de son compagnon. Ce moment précis est le début d’une période trouble qui va mener à la séparation des deux amants, alors que la femme révélera qu’elle entretient une nouvelle liaison avec un homme qu’elle aime.
Critique : Une placidité qui se prolonge par une remarque laconique, au cours d’un repas entre amis, puis, au cinéma, une main qui se refuse, avec les mots pour le dire, lorsque le désir de l’autre s’obstine : dès les premières scènes, le film dévoile son argument principal. Il s’agira de documenter la lente agonie d’un couple, l’incompréhension timidement verbalisée par Pierre, la froideur malaisante d’Anne. Parallèlement, le caméscope tourne et saisit les premiers mois d’un bébé dont les parents vont bientôt se séparer.
Le drame de Christian Vincent s’inscrit dans une veine intimiste chère à un certain cinéma français, celui de Téchiné ou d’Assayas, disséminant les indices psychologiques par petites touches, multipliant les scènes impressionnistes. Les gestes prennent le relais des mots qui s’espacent et ne disent rien de plus, dès lors l’image suffit : le dos d’un homme blessé par une remarque vaut de longs discours didactiques, dont Christian Vincent s’embarrasse trop souvent, comme si les échanges entre les personnages délimitaient les contours de scènes à faire, semblaient des figures imposées, privilégiant les signes plus ou moins spectaculaires d’une fabrication, pour "faire vrai".
Dans cette configuration parfaitement réglée, l’amant et les amis occupent la place qu’un imaginaire leur assigne en de pareilles circonstances, pas très loin d’un vaudeville, si l’on changeait de registre. L’héroïne est parfois filmée la tête penchée, le regard dans le vague, attitude à laquelle répond une semblable posture de son conjoint, quand une vidéo de son enfant lui inspire, dans un sentiment oxymorique, une nostalgie à venir. La médiation d’une image et les commentaires de Pierre disent, par anticipation, le statut du protagoniste à travers l’histoire, son exclusion qu’accentue son désir de comprendre. A défaut de maîtriser sa vie, le héros ne cesse de la fixer sur son écran de caméscope et le résultat en monochromie n’est que du passé, prenant les apparences du présent.
A cette aune, le long métrage démontre une intelligence de la situation qui se matérialise en symboles démultipliés. Mais la vraie vie est-elle dans cette préhension si parfaitement lisible, dans cette sédimentation de séquences attendues ? Au bout d’une demi-heure, le récit commence à patiner sérieusement, piégé par son dispositif programmatique. Les mots de Pierre n’en sont que l’écho - "Je ne sais plus si je dois parler, si je dois me taire" - comme l’aveu d’une sorte d’échec scénaristique, les répliques se muent en bavardages. Reste le talent des comédiens, selon la formule consacrée : Isabelle Huppert et Daniel Auteuil sont capables de faire exister des personnages dont l’artificialité saute pourtant aux yeux.