La cuisine adoucit les mœurs
Le 23 février 2025
Une ode subtile à l’union des cultures et un mélodrame attachant, même si Eric Khoo n’évite pas les travers d’un cinéma de la joliesse et du consensus.


- Réalisateur : Eric Khoo
- Acteurs : Tsuyoshi Ihara, Tetsuya Bessho, Takumi Saitoh, Jeanette Aw Ee-Ping, Seiko Matsuda
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Japonais, Singapourien
- Distributeur : KMBO , Art House Films
- Durée : 1h30mn
- Titre original : Ramen Teh
- Date de sortie : 3 octobre 2018

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Résumé : Masato, jeune chef de Ramen au Japon, a toujours rêvé de partir à Singapour pour retrouver le goût des plats que lui cuisinait sa mère quand il était enfant. Alors qu’il entreprend le voyage culinaire d’une vie, il découvre des secrets familiaux profondément enfouis. Trouvera-t-il la recette pour réconcilier les souvenirs du passé ?
Critique : Eric Khoo avait été sacré nouveau maître du cinéma de Singapour avec Be with Me, variation mélancolique sur la solitude urbaine, et My Magic, drame épineux sur une rédemption par l’humiliation. Après l’élégant et érotique Hôtel Singapura, on pouvait penser que ce nouveau prodige du cinéma asiatique essayait de se mouler dans les conventions d’un certain cinéma d’auteur international, chic et branché plus que réellement personnel, mais de fulgurantes beautés suggéraient que le cinéaste n’avait pas perdu la main. La saveur des ramen confirme qu’Eric Khoo offre désormais un art consensuel, certes plus classique qu’académique, mais moins audacieux que les dernières propositions cinématographiques d’un Brillante Mendoza, sans pour autant atteindre la plénitude d’un Hirakazu Kore-eda, auquel on peut l’affilier ne serait-ce que par le traitement des problématiques familiales et la référence à l’épure de Ozu.
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La saveur des ramen n’en demeure pas moins un agréable récit, commande de producteur mais comportant suffisamment de délicatesse et de subtilité pour capter l’attention. Le réalisateur a voulu aborder les relations diplomatiques entre le Japon et Singapour, certes désormais sereines et apaisées, mais marquées chez les plus anciens par le souvenir d’une traumatisante occupation nipponne pendant la Seconde Guerre mondiale. Eric Khoo a alors imaginé l’histoire de ce jeune homme (le joli Takumi Saitoh) écartelé entre deux cultures, de par un père japonais et une mère singapourienne, tous deux passionnés de cuisine, mais meurtris par un douloureux souvenir familial. « Les thèmes de l’acceptation, du pardon et de la réconciliation sont très présents dans le film. Je veux célébrer les relations, non seulement entre les êtres humains, mais aussi entre les êtres humains et la nourriture », a déclaré Eric Khoo dans le dossier de presse.
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Il en ressort un séduisant semi-documentaire sur l’art de concocter le ramen (plat composé de nouilles à la chinoise servies dans un bouillon de viande ou, plus rarement, de poisson, agrémenté de sauce soja ou miso), mais aussi le bak kut teh (bouillon de poivre et d’ail au porc ou mijoté d’herbes et d’épices). Le filmage de ces cuissons mettra en appétit plus d’un spectateur dans un éloge de la convivialité culinaire ou gastronomique qui n’a rien à envier aux références du genre, à savoir Le festin de Babette de Gabriel Axel et Les délices de Tokyo de Naomi Kawase. Et il ne sera pas interdit de verser sa petite larme face aux séquences mélodramatiques, même si Eric Khoo abuse des petites notes de piano et des dialogues explicatifs. Au final, on succombe aisément à la joliesse du produit final mais il est permis de regretter le manque de prises de risque d’un réalisateur dont on aimerait qu’il emprunte des sentiers moins balisés.
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