Le 7 mars 2024
Eric Khoo réussit un film à la fois tendre et érotique, sur le désir et l’amour, à partir de quelques couples qui se succèdent dans une chambre d’hôtel.
- Réalisateur : Eric Khoo
- Acteurs : Josie Ho, George Young, Choi Woo-sik
- Genre : Drame, Romance, Érotique
- Nationalité : Singapourien
- Durée : 1h30mn
- Date télé : 28 mai 2024 22:30
- Chaîne : OCS Pulp
- Titre original : In the Room
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 24 août 2016
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Résumé : C’est le premier jour d’Imrah comme femme de chambre à l’hôtel Singapura. Dans la suite n°27, un groupe de pop est venu fêter le Nouvel an. Parmi eux, leur chanteur Damien est dans un état second quand il croise Imrah dans le couloir. Bien plus tard, dans ce même hôtel, une Japonaise laisse filer son amant, un travesti reçoit son dernier plaisir avant l’opération, une touriste couche devant son meilleur ami… Mais toujours Imrah, en rangeant la chambre, se souviendra de sa rencontre avec Damien.
Critique : Curieux film que cette balade mélancolique dans le temps, mais un lieu unique, la chambre 27 de l’hôtel Singapura ; des couples s’y succèdent, font l’amour et / ou en parlent, sans qu’on se défasse d’un sentiment initial, lancé par la voix de Damien qui parle de la dégradation de l’édifice. Damien, c’est le personnage récurrent : mort d’une overdose dans la chambre, il réapparaît à chaque fin de sketch pour assurer la transition. En tant que fantôme, il a tout pouvoir : faire couler un robinet ou faire jouir une jeune fille frigide, par exemple ; mais son attribut essentiel semble être une infinie compassion qu’il exprime par des regards très doux, sur des personnages pas forcément agréables ni fascinants. Surtout, il est resté amoureux de la jeune femme de chambre, Imrah, qu’il croise pour son premier jour de travail (à elle) et son dernier jour de vie (à lui). La fin les réunit en un épilogue aussi étrange que vaguement futuriste.
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L’une des réussites du film est de n’être pas systématique : Damien n’apparaît qu’à la troisième histoire, après un prologue en noir et blanc très doux entre deux hommes qui s’apprêtent à se séparer au moment de la capitulation et un épisode kitsch, aux couleurs criardes, une sorte de comédie musicale excessive sur le pouvoir du sexe féminin. Le contraste saisissant entre les deux réussit à désorienter le spectateur qui peut à juste titre se demander où l’emmène Eric Khoo, tant l’unité de lieu est encore peu perceptible. Mais les histoires suivantes tourneront autour de la même thématique, l’amour et le désir : couples qui se découvrent ou se perdent, occasions ratées, on sent que le regard que porte le cinéaste sur la vie amoureuse n’est pas des plus réjouissants. Le destin de Mariko, qui rejette son amant puis passe sa vie à le rechercher ou celui de la jeune touriste qui collectionne les hommes sans connaître l’orgasme, n’est pas à proprement parler enviable. Mais Hôtel Singapura est moins un chant désespéré qu’une petite mélodie insistante, un piano mélancolique : c’est que le point de vue, celui d’un fantôme, incite au détachement et à la pitié.
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Forcément, comme dans tout film à sketch, on appréciera différemment chaque histoire ; mais l’unité est assurée par le ton et le rythme assez lent (si l’on excepte la deuxième, la si délicatement nommée Pussy, qui détonne singulièrement), et également par un réseau d’objets (le tableau, le bracelet) qui reviennent jusqu’à la fin ; plus subtilement encore, des dialogues sont repris in extenso (« Qu’est-ce que je suis ? » « Tu es toute ma vie ») et renforcent l’idée qu’au fond, c’est toujours, à quelques variantes près, le même récit. Si la fin, à peine esquissée, est plus dramatique et montre une dégradation de l’hôtel comme de la société, la réunion des fantômes comme le travelling vertical semblent apporter un espoir.
D’une certaine manière, Hôtel Singapura est une gageure : pendant une heure et demie on ne quittera pas cette chambre, et, un peu à la manière de Georges Perec et de sa Vie, mode d’emploi, il s’agit d’épuiser un lieu et les romans qu’il contient. Un immeuble chez l’écrivain, une chambre chez le cinéaste ; le pari est que chaque couple porte une histoire intéressante, que l’on peut raconter par un prélèvement plus ou moins court. Mis bout à bout, ces destins dessinent une image de la vie, foisonnante et multiple, et en même temps limitée à des sentiments de base et au désir. Car Eric Khoo s’attarde surtout sur les corps qu’il filme amoureusement, qu’ils se frôlent, se caressent ou fassent l’amour, des corps en général plutôt jeunes et séduisants, comme si seul l’âge des possibles l’intéressait. Il sait également cadrer des personnages en gros plans et obtenir une certaine émotion, au contraire d’ailleurs de la mort d’Imrah, complètement dédramatisée.
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On le voit, Hôtel Singapura ne manque pas d’ambition et malgré quelques longueurs ou ratés (Pussy, encore), parvient à faire entendre une petite mélodie personnelle à travers ces couples souvent émouvants ; délicat, sans effets inutiles, presque à mi-voix, le film fait de cette chambre 27 un microcosme qui résonne comme un état des lieux, celui de quelques décennies d’amour.
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