Le 27 mars 2022
Dans ce roman singulier et complexe, Damon Galgut dissèque littéralement l’humain, mettant au jour ses entrailles et liant par la mort chacun de ses héros.


- Auteur : Damon Galgut
- Editeur : Editions de l’Olivier
- Genre : Roman
- Nationalité : Sud -africaine
- Traducteur : Hélène Papot
- Prix : Man Booker Prize
- Titre original : The Promise
- Date de sortie : 11 mars 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : 1986, dans une ferme non loin de Pretoria. La famille Swart fait ses adieux à la matriarche qui, avant de mourir, a fait une promesse : léguer à Salome, leur domestique noire, la maison dans laquelle elle vit. Cette décision divise le clan protestant. Les langues se délient, les rancœurs et les convoitises s’exacerbent au point de faire voler en éclats les liens qui unissent les uns et les autres. Le roman suit les Swart sur trois décennies. Alors que l’Afrique du Sud se transforme, le racisme et la violence s’infiltrent encore partout, jusque dans la vie intime de chacun.
Critique : Damon Galgut a sa propre définition d’un roman engagé. Dans La promesse, qui retrace les anamorphoses d’une famille sud-africaine, il fait de l’humain et de son corps l’objet même du message, unit les Hommes, non par la vie mais davantage par la mort.
Découpé en quatre actes, ce livre franchit les années d’un bond, une ellipse après l’autre rivant ensemble les différents décès qui rassemblent les Swart, autrement dispersés, désunis à bien des égards. La religion, les aspirations, les croyances, l’humanisme et le racisme – rien ne les relie, tout les isole, disloque la famille depuis des années, et pour des années à venir. La promesse faite par Ma à la domestique, Salome, n’est que le symbole de ce clivage endémique, aussi endémique que les dissensions sud-africaines qui couvent sous la paix bicolore enfin atteinte.
Le roman de Damon Galgut court ainsi sur des décennies, embrasse toute l’histoire politique et sociale récente de la nation arc-en-ciel – mais sans paraître s’en soucier. Ce qui constitue l’essence de ce livre, ce sont les errements et les élans de ses héros dont les voix se mêlent et se font écho, bribes de phrases se succédant, pronoms se brouillant tandis que le discours indirect libre et que les dialogues se mélangent, sans ponctuation, tout juste des sauts de ligne. Un paragraphe après l’autre, chacun focalise, donnant l’étrange impression que tous les personnages, aussi secondaires soient-ils, sont dénués de peau : leurs pensées, leurs veines, leurs organes sont apparents. Le narrateur omniscient, caustique, les dévoile au lecteur, plonge dans le cœur et dans la chair de ces hommes et de ces femmes, paradoxalement très humains dans leurs travers mais aussi superficiels que des personnages types. La promesse est grotesque au sens premier du terme, rappelant l’animalité de l’hominien – de tout hominien, Noir ou Blanc.
Damon Galgut - La promesse
L’Olivier
304 pages
23 euros