Venus in Burs
Le 18 mai 2014
Petit classique de la science-fiction russe, La planète des tempêtes trouve, à mi-chemin entre le film de propagande et une fantaisie poétique, un ton singulier, solennel et existentialiste, très éloigné des modèles américains du genre.
- Réalisateur : Pavel Klushantsev
- Acteurs : Vladimir Yemelyanov, Georgi Zhzhyonov
- Genre : Science-fiction
- Nationalité : Russe
- Editeur vidéo : Artus films
- Durée : 1h18mn
- Titre original : Planeta Bur
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- Sortie DVD le 6 mai 2014
Petit classique de la science-fiction russe, La planète des tempêtes trouve, à mi-chemin entre le film de propagande et une fantaisie poétique, un ton singulier, solennel et existentialiste, très éloigné des modèles américains du genre.
L’argument : Trois vaisseaux spatiaux quittent la Russie à destination de Vénus. A l’approche de la planète, un vaisseau est détruit, un autre reste en orbite, et le dernier parvient à se poser. Les cosmonautes, parmi lesquels un Américain et son robot « John », partent explorer la planète. Alors qu’ils rencontrent d’étranges et inquiétantes créatures, un volcan entre en éruption…
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Notre avis : Réalisé en 1961, La planète des tempêtes nous prouve qu’il n’y a pas eu que le Solaris de Tarkovsky pour explorer le domaine de la science-fiction en pays soviétique. En effet, il y a eu un bon nombre d’œuvres intéressantes dans le genre, et Alain Petit en cite quelques unes dans l’interview qui accompagne ce DVD, issu de la nouvelle collection d’Artus Films, SF Vintage. Space opera pour tout public, le film en appelle au spectaculaire (un robot qui parle comme sorti tout droit de Planète interdite, des plantes-pieuvres carnivores, des animaux préhistoriques, des paysages de falaises, de volcans et d’immensité aquatique) mais s’éloigne de tous les codes du cinéma d’action américain. Ici, les gestes sont lents, théâtraux. Le ton frise le tragique (d’ailleurs, les tentatives d’humour sont toujours ratées). Les éclairages sont froids, embrumés par les fumigènes. Et surtout le silence est très présent. Cet élément à lui seul surprend et rend d’autant plus remarquables les moments où la musique apparaît, entre sons électroniques, orchestrations classiques et chants pompiers. Même si le montage est parfois un peu étrange, le réalisateur n’était pas un novice. Il avait des dizaines de documentaires à son actif, bien que La planète des tempêtes demeure sa seule véritable œuvre de fiction. Auparavant, il s’était néanmoins intéressé à cette thématique, notamment à travers Le chemin des étoiles en 1958. Basé sur une histoire d’Alexsandr Kazantsev, le film qui est supposé se passer sur Vénus en appelle plus à un émerveillement face à la création qu’à un récit d’action où il faut combattre les méchants aliens. Du coup, malgré son patriotisme forcené et ses éloges de l’État communiste, le métrage ne se révèle pas pire que les dizaines de films américains du genre diffusés dans les années 50. Même si la seule actrice du film (Kyunna Ignatova) verse une larme (scène qui a d’ailleurs été censurée dans le pays en raison du fait que les astronautes ne pleurent pas !), il n’y a pas d’excès de sentimentalisme ici, mais une fascination pour les formes de vie, que ce soit la roche, l’eau, les plantes, la lave ou le monde sous-marin. À cela s’ajoutent des réflexions plus tournées vers la place de l’homme en ce monde, et les personnages se permettent même de converser longuement sur la pensée de Darwin. Il faut avouer qu’on ne voit pas ça souvent dans les films de science-fiction.
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Malgré ces différences flagrantes entre l’approche soviétique et américaine du genre, qui vont jusqu’au choix des acteurs (bien plus austères en terme de physique), La planète des tempêtes eut une destinée assez étrange, vu que le film fut racheté par Roger Corman. Fidèle à lui-même, le grand maître de l’exploitation a utilisé ces images dans deux films distincts, Voyage to the Prehistoric Planet de Curtis Harrington en 1965 puis Voyage to the Planet of Prehistoric Women de Peter Bogdanovich en 1968. L’œuvre de Klushantsev nous aide ainsi à mieux comprendre les fantasmes liés à la planète Vénus dans ces déjà lointaines années 60. Son approche est d’ailleurs plus en accord avec la réalité documentaire que de nombreux films de l’époque (on est très loin des délires gothico-surréalistes de Mario Bava par exemple dans sa Planète des vampires rééditée dans la même collection). On voit les personnages manger, être en apesanteur dans leur vaisseau spatial, porter des scaphandres quand ils en sortent. Ils se déplacent aussi dans des espaces plus confinés et exigus. On est donc bien loin des intérieurs monumentaux et fantasques de certains autres films de l’époque. Mais si c’est la soif de découverte qui domine, le danger n’en est pas absent pour autant. La fleur-pieuvre essaie de dévorer un des astronautes, un ptérodactyle leur fonce dessus, certains attrapent la fièvre des marais, et même le robot John peut se révéler hostile (on est là encore loin de l’idéalisme technologique propre aux films américains). Néanmoins, cette dimension originale n’enlève pas certains défauts du film, notamment son extrême lenteur, l’aspect risible de certaines divagations philosophiques, sans parler du caractère outrageusement propagandiste de certains passages, accentué par les positions hiératiques des personnages. Les effets spéciaux, quant à eux, même s’ils pouvaient paraître impressionnants à l’époque, ont indéniablement pris un sacré coup de vieux, et là encore peuvent prêter à sourire. En revanche, l’idée d’une présence humanoïde à travers un chant de sirène traité électroniquement est brillante, jusqu’à la matérialisation finale de la présence mais nous ne pouvons en dire plus.
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Au bout du compte, La planète des tempêtes, même s’il s’agit de fiction, acquiert aujourd’hui une valeur presque documentaire quant à la Russie d’il y a plus de cinquante ans. L’esprit de camaraderie et d’amitié qui domine le film, le caractère lent et théâtral des performances d’acteurs, les paysages plus fantasmagoriques de Vénus, tout cela rend cette œuvre particulièrement touchante, malgré ses défauts.
Les suppléments
En bonus, on bénéficie d’un historique indispensable et fort intéressant d’Alain Petit quant à la place de la science-fiction dans la production cinématographique soviétique, s’arrêtant sur quelques œuvres-clé. Comme souvent pour les suppléments, il s’agit d’une interview en plan fixe. Certains pourront trouver l’argumentation un peu lente mais la voix d’Alain Petit est très agréable, et les propos limpides. À cela s’ajoutent un diaporama d’affiches et photos, ainsi que les bandes annonces des autres films de la collection. Le DVD est, quant à lui, présenté dans un digipack avec des affiches d’époque reproduites à l’intérieur.
L’image
Le film respecte le format 1.37 d’origine et il faut dire là encore que la copie est de très bonne qualité quant à un document aussi rare et ancien. Toute la poésie visuelle et les contrastes de décors, de paysages et d’atmosphères, que l’on soit dans la brume des fumigènes ou dans les profondeurs de l’océan, sont rendus superbement.
Le son
Écoutable et visible soit en version originale sous-titrée soit en français, nous devons admettre que la dernière, bien que tout à fait compréhensible, possède un souffle très important. Rien de grave, rassurez-vous, et vous pourrez vous laisser emporter par les mélopées abstraites des sirènes ou gorgones de cette planète Vénus fantasmée.
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