Le 3 octobre 2016
Les conférences d’un amoureux de la philo à destination de tous les publics.
- Réalisateur : Yoann Lafort
- Acteur : Alain Guyard
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 5 octobre 2016
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Résumé : Alain Guyard est philosophe forain. En plein champ, en prison ou au fond d’une grotte, il met la philosophie dans tous ses états et la ramène à sa dimension charnelle et subversive, au plus près des citoyens. Cette philosophie buissonnière nous aide à comprendre notre rapport au monde et à autrui pour tenter d’agir et d’assumer notre humaine condition. Et la pensée peut enfin vagabonder.
Notre avis : Sur ses phalanges, à la manière du révérend Harry Powell, Alain Guyard a fait inscrire des lettres qui composent les mots « rien » et « tout ». Mais qu’on ne se méprenne pas : ce philosophe bateleur n’a rien du méchant héros du film de Charles Laughton, ni même d’un prêcheur, bien que les deux termes antithétiques, fièrement exhibés, disent la radicalité du personnage. Le documentaire de Yoann Lafort, en partie financé par le crowdfunding, brosse le portrait d’un truculent pourvoyeur d’idées, au verbe facile, volontiers audiardien, et dont l’objectif est de rendre les grands philosophes accessibles.
Professeur pendant vingt ans, Guyard a abandonné son métier pour parcourir la France et s’adresser à des publics très différents : des prisonniers d’un centre de détention en Belgique, des touristes flânant dans la Grotte des Demoiselles, un collectif de paysans dans une commune agreste ou un institut de formation de puériculture. « La philo vagabonde » étire sur un peu plus d’une heure trente un premier documentaire consacré à ce truculent personnage et intitulé « La philo à bras le corps ». Il permet à Guyard d’expliciter sa démarche : « Mon objectif n’est pas de clarifier les choses, mais de foutre la merde ». Pour ce franc-tireur sensible aux idées libertaires, la philosophie nous confronte à des questions beaucoup plus qu’elle n’apporte de réponses. A travers ses interventions, qui empruntent à la fois au stand-up et au cours de lycée, cet iconoclaste réactive la pensée de Nietzsche et sa critique de la morale universelle, parle de Platon dans une caverne, convoque Lucrèce en plein nature, cite Jankélévitch devant une Association pour le développement des soins palliatifs, en insistant sur notre existence précaire et pourtant si précieuse, où le malade condamné n’est pas un moribond : « Ce sont les derniers instants d’un mourant ? Faux. Ce sont les derniers instants uniques d’un vivant » assène-t-il à l’auditoire attentif.
Guyard secoue, interpelle son public, bouscule les idées reçues. Le documentaire s’attarde, par des plans de coupe classiques, sur les oscillations de têtes, les mines réjouies ou franchement hilares qui cantonnent les auditeurs à un rôle attribué et contrarient les intentions louables du documentariste et de son héros charismatique : car, au bout du compte, bien plus qu’un discours d’émancipation, ce sont des louanges que le micro saisit, voire des propos complexés : « Mon cerveau ne va pas aussi vite que lui » avoue un spectateur à la sortie d’une intervention.
Guyard est magistral dans les deux sens du terme : il demeure le maître dans un dispositif qui est celui d’une conférence et il le fait d’une manière brillante -syntaxe et lexique impeccables-, obligeant ceux qui croient ne pas avoir les mots et en sont privés par le dispositif même du documentaire -la focale est nettement sur le philosophe émancipateur- à ne pas tarir d’éloges. La contradiction assombrit quelque peu l’horizon de cette praxis éducative. Il n’en reste pas moins que « La philo vagabonde » demeure un documentaire intéressant qui donne envie de relire les classiques, comme l’on dit.
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