La loi du désir
Le 2 mars 2009
Une double découverte. Celle d’une réalisatrice-scénariste à la sensibilité aiguë. Celle d’une jeune actrice sensuelle et fougueuse.
- Réalisateur : Karin Albou
- Acteurs : Elsa Zylberstein , Bruno Todeschini, Fanny Valette
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : TF1 Vidéo
- Festival : Festival de Cannes 2005
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– Durée : 1h34mn
Une double découverte. Celle d’une réalisatrice-scénariste à la sensibilité aiguë. Celle d’une jeune actrice sensuelle et fougueuse.
L’argument : La banlieue parisienne, un quartier de Sarcelles appelé "La Petite Jérusalem", car de nombreux Juifs y ont émigré. Laura a dix-huit ans. Elle est tiraillée entre son éducation religieuse et ses études de philosophie qui la passionnent et lui offrent une autre vision du monde. Alors que sa sœur Mathilde tente de redonner vie à son couple, Laura succombe à ses premières émotions amoureuses. Cette confrontation au désir va bouleverser leurs certitudes.
Notre avis : Flash-back : début 2005. A quelques semaines d’intervalle sortent Prendre femme et Avanim, deux grandes réussites posant avec subtilité la question de l’identité juive. La loi des séries aurait voulu que La petite Jérusalem sorte à ce moment-là, histoire de marquer ses affinités esthétiques et thématiques avec ces magnifiques portraits de femmes à l’israélienne.
Il y a des films, comme ça, qui sont tellement attachants qu’ils nous en feraient presque oublier leurs défauts (dans le cas présent, quelques touches naturalistes encore mal affirmées). La Petite Jérusalem est de ceux-là : une succession de petits miracles qui parviennent à former un tout harmonieux et limpide. Une œuvre qui assume ses partis pris avec honnêteté et sait résister aux sirènes du manichéisme. La grande erreur serait, parce qu’il se passe à Sarcelles, de croire qu’il s’agit d’un film "de banlieue". Si la réalisatrice ne se gêne pas pour dresser un constat amer, elle procède toujours par petites touches, au détour d’une scène. Le désir d’évasion, le communautarisme, l’antisémitisme, plus que diffus, sont ainsi discrètement évoqués sans donner dans la démonstration "édifiante".
On aimerait pouvoir s’étendre sur l’excellence du casting, mais, pour être honnête, toute notre attention a été captée par l’éblouissante Fanny Valette (Laura). Un de ces personnages intègres et radicaux, comme les affectionnait Pialat, qui traverse le film dans un élan charnel. Car ne nous y trompons pas, La Petite Jérusalem est avant tout une remarquable évocation de l’absolu adolescent. Cette période, confuse mais exaltante, où l’on prend la vie à bras-le-corps, où toute action semble entachée d’une urgence particulière, réduite à une question de vie ou de mort. Et le personnage de Laura en est la plus belle des manifestations, murée dans un ascétisme auto-imposé, réprimant ses premières pulsions amoureuses pour éviter d’interférer avec sa pensée, frénétique, fiévreuse. On frissonne, nous aussi, devant cet éternel conflit de l’esprit et de la chair, devant cette recherche, intransigeante mais illusoire, d’une solution idéale. Plus que l’exploration d’un espace urbain cadenassé ou d’une religion juive aux lois parfois étouffantes (belles scènes de prières), La Petite Jérusalem nous donne donc à éprouver la plasticité du désir, cet objet aux contours flottants. A force de tâtonnements et d’interrogations, les deux sœurs apprendront à nuancer leurs rapports au plaisir, à la féminité. C’est peu, mais c’est déjà beaucoup.
Parvenir à conjuguer sensualité et pudeur, c’est là tout le paradoxe auquel se heurtent les personnages féminins. Karin Albou, elle, a su parfaitement relever le défi avec ce premier film à fleur de peau, éclatant de vitalité.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Le DVD a la bonne idée de nous proposer les deux précédents court métrages de la réalisatrice : Chut (7 mn) et Aid el Kébir (35 mn). Le premier est une étrange variation sur la pédophilie, adoptant le point de vue d’une petite fille. Plutôt inattendu. Aid el Kébir, par sa durée et ses ambitions, se rapproche d’avantage du moyen métrage et s’attache à décrire la réalité de la société algérienne. Filmé à hauteur de femme, souvent passionnant, il offre un regard lucide et troublant sur les contradictions d’un pays. Le traditionnel making-of n’est pas présent, mais on se reportera sur l’excellent commentaire audio de Karin Albou et d’Elsa Zylberstein. La réalisatrice, sans temps morts, commente le film en y explicitant ses choix de mise en scène, les raisons du casting, la symbolique du film et des cérémonies religieuses qui y sont présentes. Une analyse qui doit beaucoup à l’entrain et à la clarté d’expression de Karin Albou. Elsa Zylberstein intervient périodiquement et apporte quelques précisions sur son personnage et sur le travail de direction des acteurs. On regrettera tout juste une certaine rigidité due au fait que les commentaires semblent avoir été enregistrés séparément (il n’y a aucune interaction entre les deux intervenants). La bande-annonce, un essai de casting et des notes d’intention de la réalisatrice complètent les bonus. Bref, peu de contenu exclusif au DVD (il aurait été intéressant de voir dans quelles conditions a été tourné le film), mais la qualité des courts métrage et du commentaire audio compense largement ces manquements.
Image & son : Une image joliment définie respectant le grain d’origine et rendant justice à la photographie du film, légèrement désaturée. Aucun souci au niveau de la piste son qui, là encore, respecte les partis pris naturaliste du film (dialogue un brin heurtés). Du travail soigné et sans fioritures (une unique piste son en stéréo surround).
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