La saison des hommes
Le 23 décembre 2008
Le second long métrage de Karin Albou offre une thématique assez riche sur l’acculturation dans un contexte de conflit idéologique, religieux, sexuel et social. Mais l’aspect lisse et aseptisé du ton et des dialogues atténue la portée du message.
- Réalisateur : Karin Albou
- Acteurs : Simon Abkarian, Lizzie Brocheré, Olympe Borval, Najib Oudghiri
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Tunisien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Titre original : 1h40mn
- Date de sortie : 17 décembre 2008
- Festival : Rencontres cinématographiques de Cannes 2008
L’argument : Tunis, 1942. Nour et Myriam, 16 ans, sont amies depuis l’enfance. Elles partagent la même maison d’un quartier modeste où juifs et musulmans vivent en harmonie. Chacune désire secrètement vivre la vie de l’autre : tandis que Nour regrette de ne pas aller à l’école comme son amie, Myriam rêve d’amour. Elle envie les fiançailles de Nour avec son cousin Khaled, sorte de fantasme partagé de prince charmant. En novembre, l’armée allemande entre à Tunis...
- Copyright Pyramide Distribution
Notre avis : Après son premier long métrage La Petite Jérusalem, qui hissa d’emblée Karin Albou au rang d’un Amos Gitai ou d’un Raphaël Nadjari, on pouvait attendre beaucoup de ce récit sur fond historique, qui offre une thématique assez riche autour de l’amitié entre deux jeunes filles. Le thème du conflit traverse en effet tout le film et offre des chassés-croisés singuliers. Étant toutes deux issues d’un milieu populaire, Myriam et Nour n’ont cependant pas le même statut social : la première est scolarisée et a davantage de libertés que la seconde, illettrée et portant le voile. Mais le contraste sera encore plus flagrant entre Myriam et Raoul (Simon Abkarian), son riche fiancé auquel la destine sa mère. L’occupant allemand tente de séduire la population musulmane en lui promettant l’indépendance et en stigmatisant la « juiverie locale », discours auquel ne sera pas insensible Khaled, trouvant une issue au chômage en intégrant une milice collaboratrice qui éveille en lui l’esprit antisémite : les juifs seront ainsi l’ennemi principal. Quant à Myriam et Nour, elles sont victimes d’une société patriarcale qui les soumet au rang de future épouse soumise, que ce soit pour répondre à des contraintes financières ou au sens de l’honneur.
De belles séquences retiendront l’attention : c’est une éprouvante scène d’épilation, dans laquelle Myriam se soumet aux vœux d’un futur mari adepte de la « coutume orientale » ; c’est le dernier quart d’heure montrant un simulacre de défloraison, le drap tendu à la famille ayant été l’objet d’une duperie. Et pourtant, des dialogues ampoulés et des situations stéréotypées atténuent la force du propos.
- Copyright Pyramide Distribution
À l’instar de L’une chante l’autre pas, Antonia et ses filles et autres films féministes militants, les hommes n’ont pas le beau rôle : le personnage de Khaled, raciste indéniable, macho de première classe et imbécile notoire, n’est pas le portrait le plus réussi de l’histoire. Les passages dans le hammam ont un air de déjà vu : Halfaouine : l’enfant des terrasses en 1990 et dans un autre registre Hammam, le bain turc en 1997 en suggéraient davantage sur l’érotisme des corps et les solidarités dans ces espaces réservés. Quant au dilemme de la jeune femme orientale écartelée entre deux cultures, il était traité avec plus de délicatesse par Moufida Tlatli dans Les Silences du palais en 1994. Et que dire des séquences de l’intrusion de la police dans le sauna, du départ en train de Raoul dans un centre de travaux forcés, ou des revirements de Nour au gré du dernier discours entendu, si ce n’est qu’ils font pencher ce chant sur la pente du mauvais film à thèse ? En dépit de ces réserves, Le Chant des mariées se laisse toutefois regarder sans ennui et révèle une jeune actrice, Lizzie Brocheré, dont les yeux de biche effarouchée contribuent à la réussite du casting.
– Bande-annonce du Chant des mariées
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roger w 17 septembre 2009
Le chant des mariées - la critique
Très joli film, doté d’une photographie très étudiée et d’un esthétisme qui tranche avec le cinéma français habituel. Belle histoire, bien interprétée. Que demande le peuple !