Polémique or not polémique ?
Le 27 octobre 2004
Alors que le film de Gibson s’apprête à déferler sur nos écrans, la réaction française n’est pas en reste. Mais est-elle fondée ?
- Réalisateur : Mel Gibson
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Un mois après sa sortie américaine (et le succès foudroyant que l’on connaît), alors que le film de Gibson, La Passion du Christ s’apprête à déferler sur nos écrans, la réaction française n’est pas en reste. Mais est-elle fondée ?
Afin de juger de la question de l’hyper violence du film (présentée par Mel Gibson comme nécessaire au "réalisme" de sa démarche de metteur en scène), il est intéressant de relire les Évangiles sur lesquels Mel Gibson affirme s’être appuyé pour écrire son scénario.
La cruauté et la précision du récit des textes bibliques n’est plus à démontrer. Chaque scène du film se réfère à une scène précise évoquée par l’Evangile. Mais chaque évangéliste va proposer sa vision personnelle de l’événement et Mel Gibson choisit de toute évidence de faire ressortir de ces quatre versions la cruauté intrinsèque qui leur est à chacune propre. Cette addition de scènes violentes n’est pas gratuite, et la caméra de Mel Gibson place sur le même plan la barbarie des Romains et celle du peuple juif à l’égard de Jésus, dans la pénible scène de flagellation de Jésus à la temporalité dilatée, suivie bien sûr du chemin de croix et de la crucifixion. C’est bien le pouvoir humain de l’époque qui est remis en question. Le distributeur français, Tarak Ben Ammar le dit clairement : "En réalité, le film montre bien que le principal coupable de la mort de Jésus, c’est la machine aveugle de l’ordre établi et sa justice expéditive. C’est l’institution officielle, la raison d’Etat qui décide pour se protéger de sacrifier un homme inspiré qui veut la réformer. C’est pourquoi la dimension de ce film est plus politique que religieuse." Au montage final, la démarche esthétique de Mel Gibson est solide, sans contresens possible et ce qu’elle montre du doigt devient une source de réflexion sur la souffrance.
Le film de la souffrance
"Certes le spectacle de cette souffrance peut avoir un effet violent mais ce film a le mérite de transformer la fascination que la violence exerce sur les foules en horreur de la violence. Il rend la violence odieuse. Je pense très sincèrement que l’intérêt de ce film est de montrer jusqu’où la violence est haïssable, de réveiller la pitié des hommes pour leurs semblables, sans considération de race ni de religion, à travers le supplice d’un homme hors du commun, Jésus. Cette actualisation de la violence des temps anciens est un manifeste contre la violence d’aujourd’hui", explique Tarak Ben Ammar. Doit-on rappeler à ce propos, le premier sens de passion (du latin patior, "souffrir") ?
Cet éclairage permet de mieux comprendre la mise en scène de Mel Gibson qui intègre à ces scènes de violence des flash-back sur les enseignements du Christ auprès de ses apôtres (discutables par leur aspect trop condensé) ainsi que deux portraits de femmes courageuses, Marie et Marie-Madeleine. La souffrance et le calme de ces femmes dans la tourmente qui accompagnent le Christ vers la mort, comme au sens étymologique de "compassion" (c’est-à-dire "souffrir avec") permet de relativiser le reproche de violence gratuite du film.
Un film surtout personnel et théâtral
Finalement, ce qui gêne surtout, c’est le traitement très théâtral du sujet par Mel Gibson. Ce dernier choisit d’inventer un personnage androgyne censé représenter le démon qui suit Jésus dans les étapes les plus pénibles de sa mort. On ne comprend pas bien l’intérêt de ce personnage. Mel Gibson n’hésite pas à créer quelques scènes issues de l’imagerie médiévale comme les têtes d’enfants démoniaques ou la mise en scène d’un cadavre de cheval en décomposition qui vient précipiter le suicide de Judas.
Tout cet emballage un peu chargé - ajoutez à cela d’insistants et nombreux ralentis - souligne une forme visuelle volontairement théâtrale, qui renforce le spectaculaire de l’intrigue. On pense au personnage de Ponce Pilate, tourmenté entre ses convictions et son devoir politique, auquel Mel Gibson, choisit de donner une forte ressemblance avec le personnage shakespearien par excellence, Hamlet. (Rappelons, au passage, l’intérêt infaillible de Mel Gibson pour ce personnage qu’il a également interprété au cinéma). Et la bande-son n’est pas en reste pour faire ressortir la théâtralité de cette tragédie universelle.
Au final, la polémique sur La Passion du Christ tient plus par son aspect formel discutable que par son contenu. Une fois ces considérations politico-religieuses écartées, place est donnée à la véritable critique, celle du public...
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