Dentelle au point russe
Le 29 janvier 2003
Un subtil récit d’exil qui montre que l’autrefois garde toujours son mystère.



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Afanassi. Enigmatique et fascinant personnage, sujet rêvé pour une romancière en panne d’inspiration. Malgré son malaise, la narratrice lui rend visite régulièrement pour l’écouter raconter sa vie, singulière histoire de la dévotion d’un valet de chambre pour celle qu’il appelle "Mademoiselle". Celle qui brûlait d’une passion fantasmée pour l’écrivain Pierre Loti, qu’elle inondera de missives, qu’elle traquera jusqu’à Constantinople.
Autour de la cérémonie du thé surgissent les fantômes d’une sainte Russie toute tchékhovienne, le choc de la révolution bolchevique, la chronique d’une vie d’errance où "Mademoiselle" sera condamnée à gagner sa vie en... écoutant les autres. Comme Nata Minor, elle-même psychanalyste, écoute ses patients. Comme la visiteuse de son roman écoute Afanassi qui lui sort de son chapeau un récit abracadabrant, plein de lacunes, d’oublis volontaires ou non. De trous, comme "la robe jaune en trou-trou levantine" que "Mademoiselle" revêtait pour ses chimériques rendez-vous avec Pierre Loti. Passé d’un exilé, recomposé, réarrangé, pour le rendre supportable, dit dans une langue qui n’est pas la sienne, qu’il maîtrise parfaitement cependant, mais de laquelle émane une musique russe d’une incroyable nostalgie.
Nostalgie de l’auteur pour son pays natal, quitté à l’âge de quatre ans, revisité dans ce texte pénétrant et délicat, en lui laissant une part de mystère et d’obscurité, une part qui résiste, des vides impossibles à combler...
Le Livre de Poche, 4,20 €