La nuit nomade - la critique

Réflexions existentielles au sommet du Ladakh filmées avec beaucoup d’empathie par une jeune réalisatrice française. Passionnant même si nous aurions aimé en savoir plus !

L’argument : C’est peut-être la dernière migration pour Tundup, la fin de sa vie nomade sur les hauts plateaux himalayens. Quand les marchands arriveront, Tundup et les siens devront choisir : vendre leur troupeau, abandonner leurs terres et partir à la ville comme tant d’autres avant eux, ou rester au Karnak. Où seront-ils le plus heureux ? A 4500 mètres d’altitude, dans un décor lunaire où le ciel se mêle à l’immensité minérale, la réalisatrice Marianne Chaud a filmé les déplacements de ces derniers nomades. Immergée de longs mois dans leur communauté, parlant leur langue, elle a placé sa caméra au plus près de leurs voix et de leurs gestes, offrant aux spectateurs des rencontres d’une rare intimité. Autant que la splendeur des paysages, l’extrême rudesse des conditions de vie ou l’émotion partagée avec ces nomades, c’est cette proximité qui crée la magie du film.

Notre avis : Tourné à plus de 4000 mètres d’altitude dans la région indienne du Ladakh, composée de hauts plateaux isolés par la grande chaîne himalayenne, le troisième documentaire de Marianne Chaud est avant tout l’illustration d’un choix cornélien terrible pour les infortunés « acteurs » qui peuplent (de moins en moins) cette nature époustouflante de beauté. De moins en moins nombreux chaque année, ces agriculteurs et éleveurs se remettent quotidiennement en question pour savoir si oui ou non ils doivent quitter leurs terres pour rejoindre la civilisation et trouver un travail d’ouvriers mal rémunéré à Leh, la capitale de la région.

Sur une année, le film suit le cheminement physique des ces nomades mais aussi et surtout le bien plus tortueux cheminement de leurs réflexions au sujet de cet éventuel départ. La profondeur philosophique de cette interrogation est passionnante. Doit-on abandonner sa liberté et sa fierté, même si les conditions de vie sont de plus en plus précaires, pour rejoindre le bas de l’échelle d’une société qui ne vous prendra que très peu en considération ? La violence psychologique de ce choix est adoucit par l’humour et la sagacité des protagonistes qui se livrent à la réalisatrice en toute confiance. Cette dernière sait nous perdre aussi dans la contemplation de paysages magnifiques qui, loin de nous faire relativiser, accentue la teneur des enjeux humains. On regrettera tout de même que Marianne Chaud laisse hors champ l’avenir de ceux qui sont partis. Peut-être que cela fera l’objet de son prochain film. C’est ce que l’on souhaite.