Le 21 novembre 2021
Malgré l’attention portée aux détails, la dissection minutieuse de cette famille frappée par le malheur, le dernier roman de Joyce Carol Oates pâtit de ses trop nombreuses pages et du manque de charisme de ses personnages.
- Auteur : Joyce Carol Oates
- Editeur : Philippe Rey
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Claude Seban
- Date de sortie : 14 octobre 2021
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Octobre 2010. Quand John Earle McClaren, ancien maire respecté de Hammond, dans l’État de New York, aperçoit sur le bord de la route un individu à la peau foncée brutalisé par des agents de police, il se fait de son intervention un devoir moral. Car après tout, qui serait mieux placé que lui, homme blanc, puissant, pour s’interposer ? Alors qu’il tente de ramener les officiers à la raison, des coups de Taser l’envoient au sol. À soixante-sept ans, le choc est trop grand… Que reste-t-il à une famille quand son seul point de ralliement était ce père aujourd’hui subitement enterré ? Désormais veuve, Jessalyn ne semble pas trouver la force nécessaire pour tenir, elle qui a toujours vécu au second plan, dévouée à son mari. Et une entente est-elle possible parmi les cinq enfants, cinq adultes si différents, englués dans le quotidien, préoccupés par leur vie de couple, pris dans leurs ambitions, leurs regrets et leurs secrets ?
Critique : Joyce Carol Oates est connue pour ses romans de mille pages ou plus, pour son attention aux détails, pour la lenteur de sa prose. La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles., intitulé ainsi en hommage à un vers de Walt Whitman, ne départ pas dans sa bibliographie, tout aussi étiré sur le papier qu’il est condensé dans le temps : mille pages pour une année divisée en quatre (et une) saisons, année de malheur puis de lente reconstruction, de nuit d’une noirceur d’encre, de sommeil parant de brume la réalité, de compréhension de la mort, puis de fragments stellaires d’espoir. L’auteure brouille les frontières entre vie et trépas, mais s’attelle surtout à disséquer les relations familiales après un drame, à analyser les alliances et les batailles, changeantes, les caractères, alors que les liens s’étiolent, rongés par le chagrin, les rancœurs, la fébrilité des héros, hantés par la voix du disparu, par ses jugements imaginaires. La mère reste le personnage central du roman, celle autour de qui tous gravitent. Elle est à la fois attachante et agaçante, perdue, ailleurs, mais aussi bien ici.
Ceci dit, les focalisations s’alternent, les pensées des protagonistes sont délayées dans la prose, italiques et parenthèses jalonnant le récit – préoccupations obsessives, dialogues inventés, avortés ou ressassés, mantras flous aux intonations irréelles.
Pourtant, les enfants devenus grands ont une silhouette trop bien dessinée, comme si chacun était moulé sur un modèle caricatural : le colérique ambitieux, l’ « hystérique » naïve, la bilieuse tyrannique, le mélancolique et la petite dernière, sérieuse et timide. Le caractère des cinq enfants ne semble avoir aucune singularité : ils sont des personnages types. Cela n’empêche pas Joyce Carol Oates de se lancer dans l’analyse approfondie des liens qui unissent les membres d’un foyer éclaté, mais l’absence de traits marquants – ou peut-être justement moins marqués – chez Thom, Beverly, Lorene, Virgil et Sophia alourdit le récit, déjà plombé par les nombreuses longueurs, inévitables dans un roman de tant de pages.
En toile de fond, l’auteure se livre à une critique acerbe de la société américaine, de ses dissensions trop prononcées – d’où, sans doute, ces stéréotypes –, de sa violence et de son racisme systémiques. La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles. s’ouvre sur une bavure policière dont découlera l’ensemble des chapitres qui suivent, portrait de famille paradoxal, à la fois trop creusé et trop superficiel.
Joyce Carol Oates - Le sommeil. La nuit. La mort. Les étoiles.
Philippe Rey
14,5 x 22 cm
928 pages
25.00 €
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