Formule magique
Le 28 avril 2004
Fiction ? Réalité ? Dans le labyrinthe d’Auster, les mots imposent leur pouvoir surnaturel pour une ode envoûtante à la magie de la littérature.
- Auteur : Paul Auster
- Editeur : Actes Sud
- Date de sortie : 3 janvier 2006
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Paul Auster nous invite de nouveau à passer de l’autre côté du miroir avec son dernier roman, La nuit de l’oracle. Du réel à la fiction, la frontière devient de plus en plus floue tandis que les mots imposent leur pouvoir surnaturel. Une ode envoûtante à la magie de la littérature.
Résumé : Après un long séjour à l’hôpital, d’écrivain Sidney Orr reprend goût à la vie. Mais il est accablé par l’ampleur de ses dettes et par l’angoisse de ne pas retrouver l’inspiration. Un matin, il découvre une nouvelle papeterie au charme irrésistible. Il entre, attiré par un étrange carnet bleu. Le soir même, dans un état second, Sidney commence à écrire dans ce carnet une captivante histoire qui dépasse vite ses espérances. Sans qu’il devine où elle va le conduire, ni que le réel lui réserve les plus dangereuses surprises... Virtuosité, puissance narrative, défi réciproque de l’improvisation et de la maîtrise : La Nuit de l’oracle précipite le lecteur au cœur des obsessions austériennes, dans un face à face entre fiction et destin. Comme si l’imaginaire n’était rien d’autre que le déroulement du temps avant la mort. Ou pire encore, son origine.
Un nouveau livre de Paul Auster, c’est toujours une invitation au voyage, un passage de l’autre côté du miroir, là où les mots font la pluie et le beau temps à l’instar des Fictions borgésiennes. La Nuit de l’oracle ne déroge pas à la règle en embarquant le lecteur dans un imaginaire aussi envoûtant que palpitant.
Victime d’un grave accident, Sydney Orr réapprend tout doucement à vivre en s’astreignant chaque jour à des promenades de plus en plus longues. Au cours de l’une de ses déambulations dans Brooklyn, l’écrivain convalescent découvre une drôle de papeterie tenue par un énigmatique chinois, Monsieur Chang. En mal d’inspiration, l’écrivain y achète un petit carnet bleu qui lui redonne vite goût à l’écriture.
Sur les conseils de son ami, le célèbre écrivain John Trause, Sydney s’attelle alors à un nouveau roman inspiré de l’histoire d’un personnage de Dashiell Hammett. Dans Le faucon maltais, Flitcraft quitte tout pour démarrer une nouvelle vie après avoir évité in extremis la mort. Sydney choisit pour sa part comme héros un éditeur qui s’enfuit à Memphis, avec pour seul bagage un manuscrit inédit, "La nuit de l’oracle", confié par la petite-fille d’un auteur disparu. Mais les pouvoirs magiques du petit carnet bleu de Sydney Orr s’avèrent bientôt maléfiques tandis que l’inspiration s’évanouit de nouveau...
Ces récits gigognes ne sont qu’un prétexte pour questionner avec fantaisie cette limite, en vérité indéfinissable, entre fiction et réel. Les règles du temps elles-mêmes se brouillent et les mots mènent la danse quitte à jouer les maîtres du destin en faisant prédire l’avenir à leur auteur. John Trause (dont le nom est l’anagramme d’Auster) prévient son protégé. "Peut-être est-ce pour cela qu’on écrit, Sid. Pas pour rapporter des événements du passé, mais pour en provoquer dans l’avenir"... Quitte à reposer la plume, devenue terrifiante, comme cette allusion de Trause à l’écrivain Louis-René Des Forêts qui se tut pendant longtemps après la mort accidentelle de sa fille.
La fluidité de l’écriture évite à cette vertigineuse mise en abîme romanesque de sombrer dans une complexité obscure. Tout au contraire, le lecteur se laisse porter par le talent de conteur de Paul Auster et se prend à se demander, le livre refermé, ce qui pourrait advenir de leur auteur si les mots de La nuit de l’oracle venaient à influencer le cours de sa vie. Vous avez dit envoûté ?
Paul Auster, La nuit de l’oracle, (Oracle night, traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Le Bœuf), Actes Sud, 2004, 240 pages, 20 €
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