Seul dans Paris
Le 7 mars 2018
Ce premier film prometteur interroge sur la peur de l’autre et l’isolement dans lequel nous enferme une telle posture dans laquelle on n’aime pas se reconnaître. En l’occurrence, les autres sont des zombies. Forcément, ça aide à s’identifier.
- Réalisateur : Dominique Rocher
- Acteurs : Denis Lavant, Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani
- Genre : Fantastique, Film de zombies
- Nationalité : Français
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h34mn
- Date de sortie : 7 mars 2018
- Festival : Gérardmer 2018
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Résumé : En se réveillant ce matin dans cet appartement où la veille encore la fête battait son plein Sam doit se rendre à l’évidence : il est tout seul et des morts vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre. Mais Sam est-il vraiment le seul survivant ?
Notre avis : Alors que l’on va fêter cette année les 50 ans de La Nuit des morts-vivants, les codes érigés alors par George Romero ont depuis toujours été minutieusement suivis par tous les cinéastes qui se sont attaqué aux films de zombies. Et le nouveau souffle qu’a connu le genre dans les années 2000 n’a fait que consolider ces conventions. Et voilà qu’aujourd’hui un film ose contourner ces normes, et en particulier l’idée très américaine que l’union fait la force face à l’adversité. Cerise sur le gâteau, cette approche hors du commun est une production française. Nous étions de nombreux fans du genre à espérer voir un jour Paris envahie de morts-vivants. Une éventuelle suite à 28 semaines plus tard, attendue depuis maintenant plus de dix ans, aurait dû assouvir notre fantasme. C’est finalement le jeune touche-à-tout Dominique Rocher qui nous propose de voir des zombies dans les rues de la capitale française, et surtout les réactions d’un survivant parisien face à cette situation cauchemardesque.
- © Haut et Court
Toute l’intelligence de l’adaptation du roman homonyme de Pit Agarmen est bien dans l’observation de cet homme contraint de se cacher pour survivre. Incarné par Anders Danielsen Lie, cet acteur d’origine norvégienne vu notamment dans Oslo, 31 août et Personal Shopper, Sam est un garçon dont on ne sait pas grand-chose, et à qui il est d’autant plus facile de s’identifier. Et pourtant, dès la scène d’ouverture, avant l’invasion des morts-vivants, son excellent jeu d’acteur nous permet de voir en cet individu quelqu’un de fondamentalement solitaire. Le travail du scénario est dès lors de jouer sur les limites psychologiques de l’isolement d’un homme qui, lorsqu’il en avait le choix, préférait être seul. Le postulat horrifique n’est donc finalement qu’un argument pour élaborer une pure analyse d’ordre psychanalytique.
Le peu de scènes filmées en extérieur permettent tout de même aux parisiens de se sentir tout particulièrement concernés par ce huis-clos au cœur d’un immeuble haussmanien. Mais il apparait évident que le choix de la ville n’est pas anodin, tant ce besoin de s’isoler, de peur de la potentielle agressivité des autres citadins, n’est pas quelque chose de spécifique à une telle fiction post-apocalyptique. L’étude du comportement de cet homme isolé face à une armée de monstres est donc également l’allégorie du mode de vie urbain dans ce qu’il a de plus aliénant. On est en tous les cas bien loin du schéma américain classique, tel que nous l’a enseigné Romero, dans lequel ce serait la figure du zombie qui serait une allégorie de l’aliénation de la société et qui aurait mené son anti-héros à partir à l’aventure en les affrontant, que ce soit seul –à la façon de Je suis une légende–, ou, plus couramment, accompagné d’autres personnages plus stéréotypés encore que lui –selon un modèle désormais propre à The Walking Dead.
- © Haut et Court
Cette nouvelle date dans le renouveau du cinéma de genre made in France est donc avant tout un astucieux film d’auteur mais aussi et surtout une performance d’acteur remarquable. Il est certain que pour alimenter un récit qui consiste majoritairement à suivre un homme seul, mieux vaut que celui-ci soit convaincant. Et Anders Danielsen Lie livre une performance fascinante du début à la fin. L’une des autres bonnes idées de l’adaptation est d’ailleurs d’avoir transformé celui qui était, dans le livre, écrivain en musicien. Les saynètes musicales que Rocher a mises au point, en imaginant comment Sam briserait le silence, qui apparait ici comme la représentation de ce que l’ennui peut avoir de plus mortel, sont d’une inventivité folle et transforment même temporairement ce film fantastique en pure comédie.
Mais puisque Sam n’est pas vraiment seul, les prestations de Denis Lavant et de Golshifteh Farahani sont à la hauteur du talent de ces deux excellents interprètes toujours pleins de surprise. Les trouvailles se cumulent donc, l’une après l’autre, et font de ce long-métrage un étonnant objet filmique. Une bonne surprise, loin de tout ce que l’on a déjà pu voir d’un film vendu pour ses revenants anthropophages.
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