Le film de la jungle
Le 3 juin 2010
Échappée sud-américaine pour l’ex-surréaliste Buñuel, dont on retrouve ici les obsessions, dans le cadre surprenant d’un film d’aventures moite et dense, qui fait sa place à des images fulgurantes.
- Réalisateur : Luis Buñuel
- Acteurs : Michel Piccoli, Charles Vanel, Simone Signoret, Georges Marchal, Michèle Girardon
- Genre : Drame, Aventures
- Nationalité : Français, Mexicain
- Distributeur : Cinédis, Théâtre du Temple
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 1h39mm
- Date télé : 27 septembre 2021 20:55
- Chaîne : Arte
- Reprise: 2 octobre 2019
- Date de sortie : 21 septembre 1956
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Résumé : Au cœur d’une Amérique latine imaginaire, une révolte de mineurs éclate. Mêlés par erreur à cette émeute, un prêtre, un vagabond, une prostituée, un mineur et sa fille sourde-muette fuient ensemble l’armée qui traque les insurgés. Une fois à l’abri des fusils, les cinq fugitifs doivent unir leurs forces pour survivre aux pièges de la forêt.
Critique : Dans les premiers plans, on se croirait presque dans le film d’aventures le plus typique : un coin perdu de l’Amérique latine, entre mission et colonie, où travailleurs des mines et baroudeurs de tous poils se croisent sous le regard d’un administrateur ventripotent et d’un curé bienfaisant. Et pourtant, des signes annoncent déjà le charme discret de Buñuel : personnages fantasques ou lubriques, chacun avec son obsession propre ; goût du récit presque choral ; détournement des conventions. Mais c’est surtout dans la seconde partie du film que l’on retrouve toute la maestria du cinéaste, dans des scènes de jungle longues et hallucinatoires, où le bruissement sonore, la chaleur et la luxuriance de la végétation donnent presque le vertige. C’est dans ce cadre - à vrai dire davantage l’Enfer qu’un jardin d’Eden - que le film se révèle fécond en images puissantes, qui sonnent souvent le glas d’une séquence, sur une note visuellement et symboliquement riche, qui n’est pas sans rappeler la jeunesse surréaliste de Buñuel : un serpent dévoré par les fourmis se tord sur le sol, des pages de la Bible sont arrachées par un curé tout confus pour faire du feu... Si la jungle devient progressivement un décor idéal pour l’imaginaire du réalisateur, c’est qu’elle semble suggèrer qu’à conditions extrêmes, oppositions extrêmes ; et de la même manière que, dès Un chien andalou, la vie rencontrait la mort et l’amour le sang, le récit tire ici sa force de sa lente radicalisation, jusqu’à ramener les personnages à leurs instincts premiers.
De manière anachronique, La mort en ce jardin pourrait donc évoquer un Aguirre, la colère de Dieu, avec ses apparences tout aussi métaphysiques, quoique plus bavardes. C’est d’ailleurs à la fois une force et une faiblesse du film : il faut attendre toute une première partie assez laborieuse et très cursive, avant d’entendre quelques morceaux franchement savoureux, dont le récit des « œufs mollets » conduit par un Michel Piccoli en proie à la grâce. C’est aussi, malgré tout, le reflet d’une époque du cinéma français où la vedette, c’était surtout l’acteur, avec sa personnalité et ses mimiques qui traversaient tous les films où il passait : le duo Simone Signoret et Georges Marchal - respectivement dans les rôles de la prostituée gouailleuse et de l’aventurier cupide -, qui pourra au choix amuser ou irriter assez rapidement, en forme un exemple tout à fait représentatif. La mort en ce jardin conserve donc la touche de son maître, même si l’on peut parfois éprouver un léger ennui ou esquisser un sourire devant ce qui apparaît rétrospectivement comme des « signes du temps jadis » ; à ceci près qu’il fallait bien être un ancien surréaliste, pour réunir en pleine jungle dans les années cinquante des personnages aussi bariolés qu’un curé, une cocotte ou un chercheur de fortunes en les plaçant sous l’étoile d’un jeu de la vie et de la mort.
Le DVD
Réédition tout à fait honorable pour ce récit d’aventures de la période mexicaine du cinéaste, et qui permet d’apprécier dans toute sa finesse la genèse et l’élaboration du film.
Les suppléments
Deux entretiens avec les critiques de cinéma Charles Tesson et Philippe Rouyer (respectivement 12 et 22 minutes) viennent compléter le film avec bonheur : des analyses très fines reviennent en détail, et images à l’appui, sur des séquences précises, des anecdotes sur la genèse du film, les choix de mise en scène... Un format "simple", mais très efficace.
Image
Pour un film de jungle sous le soleil sud-américain, la colorimétrie vaut vraiment le détour. Dommage pour la surexposition de l’image dans certains plans, qui fait ressortir le grain original...
Son
Le spectateur devra se contenter du mono original, qui malgré des dialogues assez mal balancés, a toutefois le mérite de laisser apprécier le travail d’ambiance sonore dans la jungle.
– Date de sortie DVD : le 8 juin 2010
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