Le 1er novembre 2022
L’un des sommets du cinéma de Luis Buñuel. Ce récit d’une paranoïa est un modèle de construction narrative et de mise en scène, tout en révélant une critique sociale acerbe.
- Réalisateur : Luis Buñuel
- Acteurs : Manuel Dondé, Arturo de Córdova, Delia Garcés, Aurora Walker, Luis Beristáin, Carlos Martínez Baena, Rafael Banquells
- Genre : Drame, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Mexicain
- Distributeur : Les Films du Camélia
- Durée : 1h31mn
- Date télé : 23 mai 2024 22:45
- Chaîne : OCS Géants
- Reprise: 2 novembre 2022
- Titre original : Él
- Date de sortie : 12 juin 1954
- Festival : Festival de Cannes 1953
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Résumé : Francisco Galván de Montemayor, riche propriétaire foncier et catholique fervent, tombe sous le charme d’une fidèle, Gloria Milalta. Bien qu’elle soit déjà fiancée à Raul, un ingénieur, Francisco parvient à la séduire. Il ne lui faut guère plus de temps pour la convaincre de l’épouser. Mais très vite, il révèle sa jalousie maladive et s’enfonce dans la paranoïa…
Critique : Grand Prix au Festival de Cannes 1953, EL, coécrit avec Luis Alcoriza et librement adapté d’un roman de Mercedes Pinto, appartient à la période mexicaine de Luis Buñuel, au même titre que d’autres chefs-d’œuvre comme Los olvidados ou La vie criminelle d’Archibald de la Cruz. Le réalisateur avait dévoilé aux Cahiers du Cinéma qu’il s’agissait de son film préféré, et qu’il se reconnaissait dans ce portrait d’un jaloux maladif. Pourtant, le cinéaste se révèle avant tout entomologiste critique, scrutant les névroses d’une société bourgeoise, catholique et patriarcale, comme il le fit pendant toute son œuvre. Et François Truffaut avait tort de ne vouloir voir dans ce film que le bouleversant portrait autobiographique d’un homme en souffrance, se refusant d’admettre la charge anticléricale et l’influence surréaliste du métrage. Car EL est avant tout le récit du calvaire d’une jeune femme (la sublime actrice argentine Delia Garcés, aux faux airs d’Alida Valli), victime d’une aliénation conjugale et religieuse. Fiancée à l’ingénieur Raoul, Gloria est séduite par le richissime Francisco qui s’avère très vite paranoïaque et possessif dès le premier jour du voyage de noces.
- © Les Films du Camélia
Si les situations peuvent au début paraître comiques (la dispute avec un voyageur que connaît Gloria), tant le ressenti de Francisco est clairement absurde, la noirceur du drame conjugal devient de plus en plus prenante. Et ce d’autant plus que Francesco a le soutien de la bonne société et de l’autorité catholique, incarnée par le personnage peu reluisant du père Valesco, confesseur de la famille aux intentions peu bienveillantes envers Gloria. Cette critique sociale et religieuse est mêlée à des incrustations surréalistes, comme l’attestent des aiguilles dans des serrures pour châtier les éventuels curieux (clin d’œil, sans jeu de mots, à Un chien andalou), la récurrence du fétichisme des jambes, ou les hallucinations finales de Francisco, qui annoncent les obscurs fantasmes de Séverine dans Belle de jour. Subtile, limpide et nuancée, la narration est d’une redoutable efficacité, en complément d’une mise en scène magistrale avec une construction audacieuse, une surprenante ellipse ayant lieu après un tiers de film, suivie d’un long flash-back au cours duquel Gloria confie ses déboires à son ancien fiancé rencontré par hasard.
- © Les Films du Camélia
Il faut enfin souligner la tonalité hitchcockienne du film, la relation entre Francisco et Gloria faisant écho à celle unissant Cary Grant et Joan Fontaine dans Soupçons, une terrifiante scène de clocher préfigurant Vertigo, et la partition de Luis Hernández Bretón ressemblant aux stridences musicales de Bernard Herrmann. Mais EL est avant tout en cohérence avec l’univers de Buñuel, d’autres éléments du métrage ravivant le souvenir de jalons de sa filmographie, de L’âge d’or à Cet obscur objet du désir. Longtemps sous-estimé, EL est donc l’un des meilleurs films de son auteur. Il a été restauré en 2022 par The Film Foundation World Cinema Project, The Material World Foundation, la Cinémathèque de Bologne, OCS et les Films du Camélia, avec le soutien de Guillermo del Toro.
– Sortie en version restaurée : 2 novembre 2022
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