La leçon d’allemand - Christian Schwochow - critique

Critique : Du classique de Siegfried Lenz, publié en 1969, le réalisateur Christian Schwochow tire une adaptation fidèle, mais parfois figée dans sa beauté picturale.
A l’embouchure de l’Elbe, tout près de la frontière danoise, se noue une tragédie qu’accompagnent des décors aux couleurs changeantes, où le ciel semble se confondre avec la mer, où les perspectives semblent se dissoudre dans l’infini. Ce paysage livré aux quatre vents, offrant toutes les possibilités de fuir, s’avère une sorte de décor oxymorique : les personnages y semblent condamnés, soit par l’autorité d’un officier allemand inflexible, soit par la fatalité d’une blessure de guerre qui ramène l’un des fils moribonds, soit par une forme d’incapacité à s’émanciper, même lorsqu’on semble avoir plus de caractère que les autres (la sœur plus intrépide revient finalement au bercail).
La Leçon d’allemand évoque à la fois une tragédie familiale et sa translation symbolique, qui documente l’âme d’un peuple tourmenté par les horreurs du nazisme. A cette aune, il n’est pas innocent que la rédaction sur les joies du devoir, contournée par le jeune héros au début du récit, annonce toute l’intention du film, comme une illustration des propos d’Hannah Arendt sur "la banalité du mal". La médiocrité du tyran se trouve disséminée dans autant d’actions quotidiennes dévolues à l’accomplissement d’une mission. Renonçant à son pouvoir de penser, le père de Siggi se concentre sur ce qu’il doit accomplir, au mépris des liens affectifs qui l’unissent à son ami d’enfance devenu peintre ou d’une forme de bienveillance vis-à-vis de ses proches. Le personnage multiplie les brutalités, tel un maître en son royaume, nie l’évidence, même lorsque la guerre s’achève.
Si une certaine raideur de l’interprétation laisse parfois le spectateur à distance, la photographie, superbe, et la teneur du propos, rendent ce drame historique convaincant, à défaut d’être original dans son traitement cinématographique. On imagine sans peine ce que Michael Haneke aurait pu faire d’une telle histoire...