Histoire d’une rivière d’Orient
Le 17 octobre 2024
La réalisatrice culte de Jeanne Dielman revient avec une adaptation de Joseph Conrad pour une œuvre hypnotique, très ambitieuse sur le plan formel.
- Réalisateur : Chantal Akerman
- Acteurs : Stanislas Merhar, Marc Barbé, Aurora Marion
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Shellac, Capricci Films
- Durée : 2h07mn
- Reprise: 23 octobre 2024
- Date de sortie : 25 janvier 2012
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– Reprise en version restaurée : 23 octobre 2024
Résumé : Quelque part en Asie du Sud-Est, au bord d’un fleuve tumultueux, un Européen s’accroche à ses rêves de fortune par amour pour sa fille. Une histoire de passion, de perdition et de folie, adaptée du roman de Joseph Conrad.
Critique : La folie Almayer : histoire d’une rivière d’Orient (1895) est le premier roman de Joseph Conrad, l’auteur de Au cœur des ténèbres. L’adaptation cinéma est réalisée par Chantal Akerman, grande cinéaste des années 1970, dont les deux chefs-d’œuvre restent Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975) avec Delphine Seyrig et Les Rendez-vous d’Anna (1978) avec Aurore Clément.
Réalisatrice indomptable, également documentariste, Akerman s’est radicalisée dans un cinéma peu commercial au cours des années 2000.
Dans La folie Almayer, elle retrouve le comédien Stanislas Merhar (Nettoyage à sec) qu’elle avait dirigé en 2000 dans La captive, où elle adaptait déjà de manière très personnelle l’œuvre d’un grand écrivain.
- © 2024 Capricci
La folie Almayer est un film ardu à plus d’un égard, sans doute un peu longuet, mais très ambitieux sur le plan esthétique. La cinéaste, tout en se jouant des conventions narratives (regards caméra, refus d’une intrigue balisée), conserve à ses personnages toute leur part de mystère, si bien que le spectateur plonge insensiblement dans un univers trouble, voire décadent, où chaque nouvel espace entre en résonance avec les corps des individus, et qui évoque à la fois (pêle-mêle) l’œuvre de Duras, l’esthétique d’Oncle Boonmee, le roman de Conrad, et la tragédie racinienne pour cette impression de huis clos étouffant que le film véhicule d’un bout à l’autre. Le choix du travelling - une constante chez Akerman - permet d’apprécier à sa juste valeur le travail des comédiens (loin des effets de montage artificiels) et d’impliquer le spectateur par un effet d’hypnose déconcertant (voir aussi les nombreux chants qui traversent le film). Bien entendu, ce ne sont pas vraiment les "causes" de la folie du personnage qui intéressent ici la cinéaste (fatalité ? quête absurde d’un trésor ? perte de la fille ?) : le terme est pris en son double sens d’état psychologique et de lieu. Il y a tout au long du métrage une porosité mystérieuse entre les états de conscience et les éléments naturels qui n’est pas sans rappeler le "réalisme magique" d’un auteur comme Rushdie, et qui entraîne un effet d’entraînement entre les perturbations atmosphériques et le dérèglement mental dudit Almayer. En clair : moins un film sur la folie, qu’un film situé à l’intérieur de celle-ci, dans cette zone intermédiaire où glisse n’importe quel spectateur de film, glissement que renforcent d’ailleurs la présence du fleuve et les scènes de navigation sinueuse.
- © 2024 Capricci
Très abouti sur le plan visuel, offrant des performances d’acteur grandioses, le film pèche sans doute par un manque d’économie formelle, corollaire obligé de cette recherche constante d’un rythme naturel (séquences parfois très longues, où la caméra semble enregistrer le simple bruit de la mer, le simple murmure des feuilles). Mais cette œuvre hypnotique intrigue et envoûte bien au-delà de sa simple vision, comme si quelque chose nous restait de cette "folie" qu’il donne à voir. Par ailleurs, dans les thèmes qu’il explore (fin du monde colonial, perte des valeurs-refuge telles que l’or, remise en cause de l’esprit européen) La folie Almayer entre en parfaite résonance avec les problèmes rencontrés par notre monde. Preuve, s’il en fallait une, que le cinéma d’auteur n’est pas si déconnecté qu’on le croit de la réalité.
- © 2024 Capricci
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