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Le 15 septembre 2004
Variations sur l’absence. Vertigineux et éblouissant.


- Auteur : Jordi Bonells
- Editeur : Liana Levi
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche

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D’une enquête sur un disparu, Jordi Bonells fait un roman vertigineux et éblouissant. Variations sur l’absence.
En 1938, Ettore Majorana, brillant physicien misanthrope et solitaire embarque pour une traversée de Palerme à Naples. Il n’arrivera jamais à destination. A la suite de Leonardo Sciascia, Jordi Bonells enquête sur l’énigme Majorana et explore la piste argentine, faisant de ce postulat historique le prétexte d’un roman vertigineux et polymorphe, où la disparition devient le point de rencontre de destins épars.
Majorana serait donc parti secrètement pour l’Argentine. Une fuite en avant, un abandon de soi, de sa terre, de son nom, de son histoire. Le disparu brouille les pistes, rase les murs, laisse peu d’indices si ce n’est une silhouette imprécise. Le narrateur suit ses traces, et en traquant un fantôme improbable, réveille ceux d’une histoire nationale qui lui fait étrangement écho. Ironie du sort que de disparaître dans une Argentine qui deviendra sinistrement un pays de disparus, et c’est là le cœur du propos. Disparaître. Paraître. Etre. Disparaître volontairement, c’est devenir un corps sans substance, vidé de son passé, de son être. A l’inverse, les "disparus" de la dictature argentine ne sont plus que passé, souvenirs, mémoire que l’on tente de faire perdurer, pour combler l’absence du corps.
Majorana se pose ainsi en symbole d’une disparition totale, double. Quelles sont, dès lors, les traces que suit le narrateur, à la recherche d’une émotion, lorsqu’il hante les lieux du disparu, lorsqu’il reproduit les même trajets, les mêmes rituels, jusqu’à refaire les mêmes photographies, trente ans plus tard, vidées de leurs personnages ? Photographier la disparition.
Et finalement, qu’est-ce que Majorana sinon l’incarnation du vide, de l’absence qui est en chacun de nous ? L’enquête devient alors plus grave, plus forte, plus urgente, puisqu’elle glisse inévitablement vers la tentation de disparaître, ce désir d’oubli, de recommencement, de résurrection. Jordi Bonells plonge dans les blessures d’un peuple, au fond d’une âme argentine faite de départs, d’abandons, de ruptures. "Disparaître pour pouvoir enfin être"... Ou tenter d’être sans céder à la tentation.
Jordi Bonells, La deuxième disparition de Majorana, Liana Levi, 2004, 180 pages, 16 €