L’adaptation du best-seller phénomène de Kathryn Stockett
Le 6 avril 2014
Film ouverture du festival de Deauville, la couleur des sentiments dépeint à grand renfort d’émotions, la question du noir et blanc américain. Chatoyant, propre, et sympathique, le film reste classique mais confortable. Une oeuvre qui devrait en séduire plus d’un(e).
- Réalisateur : Tate Taylor
- Acteurs : Bryce Dallas Howard, Viola Davis, Emma Stone, Octavia Spencer, Leslie Jordan
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h20mn
- Date télé : 17 décembre 2021 22:50
- Chaîne : Chérie 25
- Titre original : The Help
- Date de sortie : 26 octobre 2011
- Plus d'informations : http://thehelpmovie.com/us/
Film ouverture du festival de Deauville, la couleur des sentiments dépeint à grand renfort d’émotions, la question du noir et blanc américain. Chatoyant, propre, et sympathique, le film reste classique mais confortable. Une oeuvre qui devrait en séduire plus d’un(e).
L’argument : Dans la petite ville de Jackson, Mississippi, durant les années 60, trois femmes que tout devait opposer vont nouer une incroyable amitié. Elles sont liées par un projet secret qui les met toutes en danger, l’écriture d’un livre qui remet en cause les conventions sociales les plus sensibles de leur époque. De cette alliance improbable va naître une solidarité extraordinaire. À travers leur engagement, chacune va trouver le courage de bouleverser l’ordre établi, et d’affronter tous les habitants de la ville qui refusent le vent du changement...
Notre avis : Guetté comme le messie, La couleur des sentiments est l’une des sorties cinématographiques les plus attendues de cette fin d’année. Tiré du roman à succès de l’auteur américain Kathryn Stockett, le film est avant tout une histoire de famille au sens large du terme. Dans le récit comme autour du récit, les amitiés sont comme les piliers des vieux domaines sudistes, chancelantes mais fondamentales. Ainsi, l’épopée cinématographique de Tate Taylor (Pretty Ugly People) trouve-elle ses racines dans ses propres souvenirs d’enfance à Jacksonville en compagnie de Kathryn Stockett, son amie de toujours. De même que le producteur Brunson Green (Fool’s gold et The journeyman) et l’actrice Octavia Spencer (Big mama et Dans la peau de John Malkovitch) sont eux aussi des proches du tandem. A l’écran, on retrouve cette dynamique du partage. Si Emma Stone peut apparaître dans un premier temps comme le personnage principal du film, l’on s’aperçoit très vite que l’intrigue se situe bien plus du côté de la tranchante Miny (Octavia Spencer) de la courageuse Aibeleen (Viola Davis), ou de la délicieuse Miss Célia (Jessica Chastain), véritable tache de gras dans cette ville-tableau aux allures si soignées et si sophistiquées. Et c’est peut être là tout le secret de ce film fleuve en plein coeur du sud Mississippi explosant depuis plusieurs semaines le box-office américain : une diversité de point de vues dans un seul et même cadre.
Tout commence par un objectif : des toilettes séparées. Pour les dames de Jackson, partager l’intimité de leurs domestiques n’est plus une option. Un comble pour celle qui élèvent leurs enfants, les aiment et sont à bien des égards de véritables mères pour eux. L’attachement a beau s’être noué depuis des générations, certaines barrières semblent ne jamais pouvoir tomber. Et pourtant... C’est dans ce contexte de ségrégation raciale que tout commence. Mais plus qu’une question de couleur de peau c’est celle de la différence et de son inadéquation avec le rêve américain préformaté qui attise le feu de l’action. La dénonciation du système raciste, fil rouge de la narration, se voit ainsi traverser de plus petits combats non moins signifiants (sinon plus) : celui de Skeeter pour être une femme libre et à part entière sans bague au doigt, celui d’Aibeleen pour survivre sans haine à la mort de son jeune fils, et celui de Celia, aspirante femme au foyer calamiteuse et inconvenante, qui déploiera des trésors d’acharnements (souvent très drôles) pour se faire accepter du cercle très fermé des parfaites petites ménagères du Mississippi.
A la tête de cette dictature de la perfection, Hilliy (Bryce Dallas Howard) dont les broches à cheveux se raccordent invariablement aux chaussures comme ses attitudes trahissent sa suffisance et son ignorance. Si l’actrice pousse parfois la caricature trop loin (l’ombre du surjeu n’est jamais bien loin) l’existence d’un personnage haïssable permet de rattraper les nombreux clichés sentimentalistes égrenés tout au long du récit. Une erreur de débutant que Tate Taylor aurait peut-être pu éviter si le sujet ne l’avait pas touché d’aussi près. De fait le film a les défauts de ses qualités, et si la véritable confédération de sudistes constituée par les membres de l’équipe offre à la plupart des scènes une authenticité irréprochable (notamment au niveau de l’accent et du travail de reconstitution historique), la simplicité de la mise en scène déporte parfois le film vers une trop grande naïveté. Malgré tout, le spectacle est fort agréable et la photographie (Stephen Goldblatt connu pour son travail sur Julie et Julia) excellente. Excès de lumière, crépuscules orangés, athmosphère suintante, saturation des couleurs, chaque grain de l’image est poussé à l’extrême et rappele la violente démesure des paysages, des caractères, et des politiques du sud. De même, l’élaboration des décors et des costumes est proche du prodigieux. Certains objets et certaines robes ont même été chinés dans les greniers des habitants de la ville ! Ni trop ternes, ni trop pittoresques, ni trop théâtraux, ils s’ancrent parfaitement dans le cadre et participent en majeure partie à l’immersion du spectateur dans ce monde des sixties. Un monde de femmes, où les hommes émasculés dans leurs propres maisons, ont pris le parti de s’effacer. Un monde fait de contraires et de paradoxes, de liberté et d’oppression, de progrès matériels et de moeurs étriquées. Alors qu’à la même époque, plus au nord, Rosa Parks et Martin Luther King clamaient haut et fort leurs droits, dans le sud, les bonnes noires peinent à faire entendre leur voix. Dans cet univers cotonneux du Mississippi, le bruit et la fureur d’un monde en révolution semble ne jamais parvenir. C’est là toute la douceur du film, celle d’un bouleversement par les mots, par les gestes, et par les regards plus que par les armes.
Que l’on se rassure, La couleur des sentiments est aussi subversif qu’une jupe plissée mal repassée et les seuls cauchemars qu’il nous procure sont ceux de tâches ménagères négligées. Mais la bonhomie apparente peut parfois révéler bien des surprises. Si le film, coquet et pimpant, est un peu trop sage pour un sujet aussi brûlant, l’émoi subsiste malgré tout et il n’est pas impossible d’y verser une petite larme.
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Frédéric Mignard 4 mars 2012
La couleur des sentiments - la critique
C’est d’u classicisme ronflant, mais cela se regarde sans déplaisir. Comment les Américains n’en ont-ils pas eu l’idée avant ?