Le 11 mars 2021
Focalisations et temporalités se brouillent, sans doute trop, dans ce roman qui fait la part belle au théâtre et pointe du doigt la réalité fasciste de l’Angleterre d’après-guerre.
- Auteur : Patrick McGrath
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman
- Nationalité : Anglaise
- Traducteur : Jocelyn Dupont
- Titre original : The Wardrobe's Mistress
- Date de sortie : 11 mars 2021
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Janvier 1947. Londres est en ruine, il n’y a rien à manger, et c’est l’hiver le plus froid qu’on ait connu de mémoire d’homme. Pour ne rien arranger, Charlie Grice, immense acteur de théâtre, vient de mourir brutalement, en pleines représentations de "La Nuit des rois". Accablée de chagrin, sa veuve, Joan, chef costumière du théâtre Beaumont, tombe passionnément amoureuse de sa doublure dans la pièce, persuadée que ce nouveau Malvolio abrite l’âme de son époux. Jusqu’au soir où elle découvre le terrifiant secret de Gricey. Projetée dans un nouvel univers de ténèbres, Joan comprend que le fascisme peut bien se cacher, il ne meurt jamais.
Critique : Plusieurs voix narratives se mêlent en un chant discordant, présent et passé se chevauchent, se bousculent sans grande logique, tandis que les personnages oscillent entre le monde des vivants et celui des morts. Joan vient en effet de perdre son mari, comédien de répertoire, et se raccroche à leur fille, Vera, pourtant fragile. Sa haine pour son gendre, Julius, qu’elle juge responsable du décès de Gricey constitue son autre amarre à la vie. Ce dernier laisse son empreinte dans la maison de la veuve, dans son cœur et dans son âme, hante son placard et sa chambre, et semble même habiter le corps de celui qui reprend son rôle dans La nuit des rois de Shakespeare. Joan se prend ainsi d’amitié, puis de passion, pour celui qui ressemble tant à son défunt époux, lui lègue ses costumes qu’elle retouche soigneusement en couturière (et costumière) qu’elle est. En parallèle, sa fille tente de surmonter son deuil, de déceler le vrai du faux dans son mariage, tout en faisant bonne figure face à la troupe avec qui elle répète pour La Duchesse d’Amalfi.
Le théâtre a un rôle prégnant dans ce roman, base instable, mais inamovible, dans la vie des protagonistes qui paraissent calquer inconsciemment leur attitude sur celles des héros déchus des pièces tragiques, entre douleur qui égare et mort qui rôde. En filigrane, Patrick McGrath évoque le fascisme qui sévit toujours dans le Londres de 1947, creusé de cratères de bombes et piqueté de ruines, mentionne les Chemises noires qui défilent et menacent le frêle équilibre politique de l’après-guerre. Des réfugiés allemands côtoient les Britanniques, se font discrets, mais sont présents dans tous les cercles qui entourent Joan. Aigrie et triste, de plus en plus fébrile psychologiquement parlant, l’héroïne ne quitte plus sa bouteille de gin. Les narratrices, le Chœur des femmes, la décrivent comme abattue mais toujours froide, toujours davantage tourmentée par ses fantômes.
Brouillon et froid, ce roman psychologique n’en est pas moins une captation de la société londonienne d’après-guerre, un bref aperçu du quotidien dans la neige glaciale et le manque faisant suite au rationnement.
Patrick McGrath - La costumière
Actes Sud
11.50 x 21.70 cm
336 pages
22,50 €
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