Le 28 octobre 2018
Un bijou méconnu du cinéma américain, au carrefour du teen movie, du cinéma social et du film sportif. Considérée mineure à sa sortie, l’œuvre mérite une nette réévaluation.
- Réalisateur : Peter Yates
- Acteurs : Dennis Quaid, Jackie Earle Haley, Daniel Stern, Paul Dooley, Dennis Christopher
- Genre : Comédie dramatique, Teen movie, Film de sport
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Théâtre du Temple, Twentieth Century Fox France
- Durée : 1h40mn
- Reprise: 31 octobre 2018
- Date de sortie : 9 janvier 1980
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Résumé : À Bloomington, petite ville de l’Indiana, quatre adolescents issus de la classe ouvrière trompent leur ennui entre baignades dans une carrière abandonnée, bagarres et drague. L’un d’entre eux, passionné par le cyclisme et l’Italie, va participer à une course le mettant en rivalité avec des étudiants issus des milieux plus favorisés...
Critique : Sorti en France en janvier 1980 sous le titre La bande des quatre (à ne pas confondre bien sûr avec le film de Jacques Rivette de 1989), Breaking Away fut boudé par la critique et le public, réalisant moins de 100 000 entrées. La reprise en version restaurée de ce bijou permet de le réévaluer, de même que son réalisateur, Peter Yates (1929-2011). Cinéaste britannique ayant surtout travaillé à Hollywood, cet artisan consciencieux est surtout connu pour Bullitt (1969), avec SteveMcQueen. On retrouve dans Breaking Away son savoir-faire technique, le filmage de la célèbre course-poursuite automobile cédant ici la place à celui des entraînements en vélo et de la compétition finale, clou du film. Pourtant, Bullitt valait aussi pour sa veine documentaire, ce qui est également le cas de Breaking Away. On est d’abord face à la description d’un univers sportif, le scénario de l’écrivain Steve Tesich étant d’ailleurs basé sur l’histoire vraie d’un coureur cycliste américain professionnel, qui dans sa jeunesse avait participé à un tournoi organisé chaque année par l’Université d’Indiana. Et le tournage eut lieu sur le site même du campus, avant la destruction de la piste. Mais Breaking Away est également un superbe film social, dans la lignée du Free Cinema, ce courant anglais des années 60 qui décrivait les tourments de la jeunesse des classes populaires : le challenge que se fixent Dave et ses trois amis fait ainsi écho à celui du personnage de Tom Courtenay dans La Solitude du coureur de fond de Tony Richardson.
- Twentieth Century Fox - tous droits réservés
Peter Yates et Steve Tesich cernent avec acuité le mal-être d’adolescents et jeunes adultes n’ayant pas franchi le cap de l’entrée à l’université, et traités avec mépris par de jeunes bourgeois qui les humilient, les traitant de « tailleurs » et souhaitant tirer à eux la couverture du prestige, qu’il soit professionnel, sentimental ou sportif. Cette lutte des classes transposée dans le domaine de l’Amérique profonde est mêlée à un joli portrait des liens intergénérationnels, à travers les rapports tendus entre Dave et son père (le tonitruant Paul Dooley), même si les auteurs dédramatisent cette relation par des scènes de comédie très drôles. Car Breaking Away est irradié d’un humour constant, à la croisée du teen movie du type American Graffiti de George Lucas, qui avait triomphé cinq ans plus tôt, et des séquences légères que Ken Loach ou Mike Leigh insuffleront dans le cinéma social anglais à partir des années 90. Le personnage emblématique est bien ici celui de Dave, qui se persuade d’avoir des origines italiennes, jusqu’à rebaptiser « Fellini » le chien de son irascible père, et chanter la sérénade en italien à une étudiante dont il s’est entiché, lui faisant croire qu’il est réellement napolitain. Cet humour parfois teinté de mélancolie conduit à des ruptures de ton qui font également la force d’un métrage qui transcende tous les écueils du genre tout en célébrant des valeurs humanistes au-delà de l’évocation des mirages du rêve américain, comme l’ont souligné Gérard et Julien Camy, auteurs de Sports et cinéma (éditions De Suffren, 2016).
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On appréciera par ailleurs la beauté de certains plans, d’une tonalité très picturale, à l’instar de la scène ou les quatre « vitelloni » sont allongés sur le mur d’une ancienne carrière remplie d’eau, avant l’apparition en contre-plongée, et sur l’autre rive, d’un groupe de beach boys du campus venu empiéter sur leur territoire : un réel moment de grâce et de subtilité, sans dialogues lourdement explicatifs, et révélateur de l’art de Peter Yates. Il faut enfin souligner la verve et l’abattage du jeune David Christopher dans le rôle de Dave, et l’on peut regretter qu’il n’ait pas eu une carrière à la hauteur des espoirs placés en lui. Le frêle et sensible Jackie Earle Haley eut également du mal garder une place digne de lui dans le métier, malgré un come-back remarqué dans Freddy - Les griffes de la nuit. Les spectateurs reconnaîtront davantage Dennis Quaid, parfait en beau gosse râleur, et qui deviendra une valeur sûre du cinéma américain des années 80 (L’étoffe des héros). Quant au dégingandé Daniel Stern, qui amène une touche décalée dans le rôle de Cyril, il restera par la suite associé à sa composition de cambrioleur pathétique dans Maman j’ai raté l’avion. Cette bande des quatre débutants est ici en parfaite osmose et cette œuvre rare est à redécouvrir absolument.
– Sortie en version restaurée : 31 octobre 2018
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