Le 2 septembre 2018
Le DVD est utile, voire indispensable, quand il met à disposition une œuvre de cette importance, réunie en un coffret soigné.
- Réalisateur : Jean-Gabriel Périot
- Genre : Expérimental
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 4h28mn
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– Sortie du coffret DVD : le 4 septembre 2018
Résumé : Découvrez le travail de Jean-Gabriel Périot à travers l’intégrale de ses courts métrages. Cinéasta engagé politiquement, Jean-Gabriel Périot a réalisé une trentaine de courts métrages (montage d’archives, fictions, animation, clip) en développant un style très personnel quelle que soit la forme choisie. Au fil de son cinéma, il questionne l’Histoire, la politique, la violence, l’humain.
Notre avis : Le premier DVD propose d’abord onze « films d’archives », qui couvrent dix ans de production (de 2004 à 2014). Toujours passionnants, ils forment un ensemble de réflexions sur l’archive, l’Histoire, et plus globalement dessinent une vision noire de l’humanité, que ce soit par la violence policière (We are winning don’t forget, 7mn ; L’art délicat de la matraque (quel titre !), 4mn ; Les barbares, 5mn ; The devil, 8mn) ou la destruction (récurrence de la bombe atomique). Mais c’est partout que Périot décèle de l’inhumanité : envers les animaux (Undo, 10mn), les femmes tondues à la Libération (Eût-elle été criminelle, 9mn30) ou les Noirs, c’est toujours le même usage de la force. Comme dans Dies Irae (10mn), toutes les routes semblent mener aux camps de concentration.
Cette vision sombre ne repose pas sur un discours asséné par les mots, mais par un ensemble de procédés souvent innovants : Périot joue sur le rythme (accélérations, ralentis), les décadrages, les split-screens, l’inversion temporelle, la superposition de photos. La musique y a toujours un rôle fondamental, qu’elle soutienne ou ironise sur les images (la Marseillaise entonnée sur les images de femmes tondues). On aimerait quand même s’attarder sur 200 000 fantômes (11mn), peut-être son chef-d’œuvre, qui accumule des photos dans lesquelles le dôme de Genbaku, seul bâtiment d’Hiroshima ayant résisté à la bombe, figure à la même place dans le cadre. 650 images pour montrer sa construction et son statut de symbole après 1945 ; entre les deux, un grand blanc pour figurer l’explosion. Sans mots, seulement par un cadrage et une accumulation, le film est plus explicite, plus démonstratif qu’un long argumentaire : c’est beau, émouvant, très fort.
Suivent quatre « films musicaux » : Devil inside (3mn), Médicalement (3mn30), Si jamais nous devons disparaître, ce sera sans inquiétude mais en combattant jusqu’à la fin (15mn) et Nous (4mn). Ce sont des chants de révolte, des chants contre : contre la médicalisation, contre l’embrigadement, contre l’individualisme. Périot ne fait pas qu’illustrer, évidemment ; il y a à chaque fois une recherche sur le rythme, le montage, le rôle de l’image. On apprécie en particulier les inventions de Médicalement, mais là encore c’est l’ensemble qui offre une grande richesse.
Le deuxième DVD comprend les « films de fiction » et les « films documentaires » : des premiers on retient un regard décalé, une interrogation sur les rapports humains également pessimiste. On y croise un livreur de pizzas à la recherche d’un emploi dont le destin bascule (Entre chiens et loups, 29mn), une femme qui fait une rencontre étrange dans un musée (Looking at the dead, 21mn) et une autre femme découvrant la beauté chez les autres (L’optimisme, 14mn). La mise en scène privilégie les gros plans, s’attachant à détailler chez ces êtres opaques la confrontation avec un réel obtus.
Enfin les quatre « films documentaires » se focalisent sur les exclus (prisonniers, migrants, habitants de la banlieue) avec des dispositifs qui laissent dans leur simplicité même affluer l’émotion. Nos jours, absolument, doivent être illuminés (22mn) bouleverse sans difficulté : des détenus chantent, mais la caméra ne cadre que les spectateurs extérieurs, en gros plans. Remarquable. On est un peu plus réservé sur les longs récits de rêves d’autres prisonniers (Le jour a vaincu la nuit, 26mn) ; en revanche, Song for the jungle (14mn) est admirable : plutôt que de montrer les images connues de la jungle de Calais, Périot filme en plans larges des migrants errant dans des décors désolés, au milieu du vent, de la pluie, et du bruit de la circulation permanente. Enfin, De la joie dans ce combat (22mn) se centre sur une chorale amateur : les gens de la banlieue chantent et parlent de leur quotidien et de leur inaliénable optimisme malgré des vies difficiles.
Tous ces courts-métrages sont passionnants, aucun n’est indifférent. On pourra toujours en privilégier quelques-uns, mais la cohérence de l’ensemble ne fait aucun doute : si c’est du cinéma expérimental, rien ici d’obscur ou de prétentieux ; Périot filme à hauteur d’homme, en observateur engagé mais sans illusions. Il sait que, comme le disait Bertolucci, « c’est une erreur de prendre une caméra pour une mitrailleuse ».
Les suppléments :
Le gros morceau « théorique » de ces bonus rassemblés sur le premier DVD est un entretien avec le réalisateur (50mn) qui constitue un véritable art poétique, riche et foisonnant. À part cela, l’éditeur propose des courts-métrages qui n’entraient pas dans les cases prévues (même si c’est discutable). Si Parades amoureuses (1mn) est une pochade animée, Journal intime (3mn), Gay ? (2mn) et Avant j’étais triste (2mn) sont plus personnels (avec une ironie salutaire pour le dernier), sans renier la volonté de sortir des sentiers battus. Enfin, # 67 (4mn) est un petit bijou d’humour décapant et de dénonciation : la tomate y rejoint la politique dans un joyeux jeu de massacre.
L’image :
La cotation n’a pas beaucoup de sens vu l’origine très diverse des images. Globalement, même pour les archives dont certaines sont anciennes, la qualité est satisfaisante. Pour les fictions et les « films musicaux », les copies sont soignées et précises.
Le son :
On parle essentiellement de musique, omniprésente et très variée : elle a beaucoup de présence, sonne particulièrement bien. Les quelques effets sont très convaincants (l’explosion de 200 000 fantômes).
- © 2018 Potemkine Films. Tous droits réservés.
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